Moldavie

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Constanţa Étudiants: Masaca Mihai Popa Vlad Stănescu Ştefan Tararache Alexandru Ionuţ 2012 Projet Mémoire Recherche La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie Master 1 PME / PMI IUP Management et Gestion des Entreprises Université d’Auvergne Clermont-Ferrand

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COORDONATOR

CONF. UNIV. DR. DOBRE CLAUDIA

STUDENT

ŞTEFAN MARIUS – CĂTĂLIN

Constanţa

Étudiants:

Masaca Mihai

Popa Vlad

Stănescu Ştefan

Tararache Alexandru Ionuţ

2012

Projet Mémoire Recherche

La protection des savoirs

faire traditionnels en

Moldavie

Master 1 PME / PMI

IUP Management et Gestion des Entreprises

Université d’Auvergne

Clermont-Ferrand

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

1

Contenu

Introduction ........................................................................................................................... 3

1. La protection des savoirs faire traditionnels .................................................................. 5

1.1 Terminologie ........................................................................................................... 5

1.2 Objectifs de politique générale .................................................................................... 6

1.3 Principes fondamentaux .............................................................................................. 8

A. Principes directeurs généraux ................................................................................... 8

B. Principes de fond particuliers.................................................................................. 10

2. Moldavie, vue d’ensemble ........................................................................................... 17

Étymologie .................................................................................................................. 17

Géographie................................................................................................................... 17

Environnement ............................................................................................................ 18

Histoire ........................................................................................................................ 20

Situation actuelle ......................................................................................................... 23

Controverse identitaire et linguistique ......................................................................... 24

Politique étrangère ....................................................................................................... 25

Subdivisions ................................................................................................................ 26

Démographie ............................................................................................................... 26

Économie ..................................................................................................................... 29

Relations économiques multilatérales de la Moldavie en 2007 .......................................... 32

3. La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie ........................................... 34

3.1 Principes juridiques et moyens d’action en matière de protection les savoirs faire

traditionnels en Moldavie (même que la politique économique et législative de l'UE) .. 34

3.1.1 Reconnaissance de droits exclusifs sur les savoirs traditionnels en Moldavie ... 37

Application des droits de propriété intellectuelle classiques ...................................... 37

Application de droits sui generis exclusifs .................................................................. 40

3.1.2 Les savoirs traditionnels et le consentement préalable éclairé en Moldavie ...... 41

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

2

3.1.3 Régimes de responsabilité compensatoires en Moldavie .............................. 42

3.1.4. Répression de la concurrence déloyale .............................................................. 42

Lois et protocoles coutumiers moldave ....................................................................... 43

3.2 Élements precis de protection dans la legislation de la Moldavie applicables dans le

future ................................................................................................................................ 44

3.2.1 Objectifs généraux .............................................................................................. 45

3.2.2 Protection des savoirs traditionnels par secteurs ................................................ 46

Portée sélective ............................................................................................................ 47

Acquisition des droits : conditions de forme ................................................................... 48

Critères matériels de protection ....................................................................................... 49

Nature des droits sur les savoirs traditionnels ................................................................. 50

Étendue des droits et exceptions ...................................................................................... 51

Titulaires, propriétaires, dépositaires ou bénéficiaires des droits .................................... 52

Expiration et perte des droits ........................................................................................... 54

Sanctions et mesures d’application.................................................................................. 55

Protection défensive ........................................................................................................ 55

Lien avec les régimes d’accès et de partage des avantages ............................................. 55

Conclusion ........................................................................................................................... 58

Bibliographie ....................................................................................................................... 60

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

3

Introduction

Le document présente une analyse structurée et concrète d’options précises, , sous

la forme d’un ensemble de mesures économiques et de politique générale. Il s’articule

comme suit :

la section I donne des informations générales et situe la méthode adoptée dans

le présent document dans l’ensemble des débats sur la politique à mener dans

le domaine des savoirsfaire traditionnels;

la section II contient une analyse de la Moldavie

la section III \précise éléments primordiaux des mesures nationales de

protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie, sur la base d’une analyse

comparative des mesures existantes et des débats antérieurs;

Afin de faciliter l’analyse et l’élaboration de mesures dans le cadre de cette

approche mixte, le présent document compare les mesures existantes et définit les éléments

communs aux systèmes en vigueur. Une meilleure connaissance des mesures sui generis

existantes, de leurs éléments communs et des enseignements tirés de leur mise en œuvre

peut contribuer à l’élaboration d’options juridiques et stratégiques en matière de protection

des savoirs traditionnels qui pourraient être utiles aux décideurs et aux législateurs

nationaux qui choisissent de mettre en place une protection sui generis de ces savoirs. Les

éléments communs des mesures sui generis qui sont examinés dans le présent document

ressortent de l’analyse comparative des mesures sui generis existantes élaborée par le

comité à sa cinquième session.

Une approche générale et globale de la protection des savoirs traditionnels tiendrait

aussi compte des limites des droits de propriété exclusifs en tant qu’instrument de

protection des savoirs traditionnels. Les détenteurs de savoirs traditionnels ont eux-mêmes

souligné ces limites en expliquant que la protection de tous les types de savoirs

traditionnels par des droits de propriété privés, même si ce sont les détenteurs des savoirs

traditionnels qui en sont titulaires, peut éventuellement avoir des conséquences négatives

sur les systèmes de savoirs traditionnels proprement dits. Il a été dit que les droits de

propriété intellectuelle peuvent, en tant que forme de droit privé sur un objet incorporel,

aller à l’encontre des caractéristiques de certains éléments de savoirs traditionnels et avoir

des effets secondaires imprévus. Par exemple, les parties ont insisté sur le fait que la

protection juridique des savoirs traditionnels par des droits de propriété exclusifs ne doit

pas :

restreindre la transmission coutumière des savoirs traditionnels au sein de la

communauté d’origine;

limiter la culture de partage et de conservation collective des savoirs traditionnels;

fractionner les systèmes de savoirs traditionnels ou menacer leur caractère global;

engendrer un conflit entre les communautés ou les détenteurs de savoirs traditionnels

qui peuvent détenir des savoirs similaires ou identiques;

déprécier les valeurs coutumières, rituelles, sacrées ou religieuses des savoirs

traditionnels;

déboucher sur des incitations défavorables aux détenteurs des savoirs traditionnels (par

exemple faire passer de nouveaux produits pour des produits fondés sur la tradition,

détourner les traditions dans un but commercial, etc.);

créer des incitations à l’utilisation non durable des ressources génétiques relatives aux

savoirs traditionnels;

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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conduire à la désintégration des institutions coutumières et des structures sociales

fondées sur les savoirs traditionnels ou créées autour des savoirs traditionnels;

limiter abusivement l’accès aux savoirs traditionnels et aux ressources biologiques

associées et leur utilisation, au point de mettre en péril leur conservation;

augmenter les frais de transaction pour la transmission et la préservation des savoirs

traditionnels;

autoriser l’appropriation sans contrepartie d’innovations fondées sur des savoirs

traditionnels par d’autres intéressés que ceux qui sont à l’origine de celles-ci;

remplacer la conservation communautaire par la propriété individuelle des savoirs

traditionnels; ni

autoriser quiconque, en dehors des véritables détenteurs coutumiers des savoirs

traditionnels, à acquérir des droits de propriété sur ces savoirs.’

Il convient donc de veiller à concilier toute protection des savoirs traditionnels par

des droits de propriété privés avec d’autres mesures permettant de prendre en considération

les caractéristiques des savoirs protégés, les intérêts des parties prenantes concernées, les

usages coutumiers et les systèmes de conservation. La plupart des pays qui ont mis en

place une protection des savoirs faire traditionnels ont donc associé à une application

limitée des droits de propriété privés un ensemble d’autres mesures. Par exemple, dans

leurs mesures sui generis nationales respectives, le Brésil a combiné l’octroi de droits

exclusifs avec des règles relatives à l’accès aux savoirs faire traditionnels associés; les

États-Unis d’Amérique ont combiné une protection défensive des insignes des peuples

autochtones avec la répression de la concurrence déloyale à l’égard des produits indigènes

indiens; le Costa Rica et le Portugal ont associé des droits de propriété exclusifs, des

règles relatives à l’accès et la législation sur la concurrence déloyale pour élaborer des

mesures de protection particulières pour les savoirs traditionnels. Compte tenu des

enseignements tirés de ces expériences nationales, l’approche globale ou générale

associerait donc plusieurs principes juridiques et moyens d’action qui ont été définis par

les États membres et se sont révélés efficaces, dans ces pays, pour la mise en place d’une

forme de protection appropriée. Ainsi qu’il a été souligné dans le cadre du groupe de

travail sur les savoirs traditionnels, la mise au point de solutions globales par les États

membres illustre aussi le fait qu’ils reconnaissent la nécessité de concilier les

préoccupations liées à l’utilisation et à la diffusion illégitimes des savoirs traditionnels et

une conception appropriée du domaine public.

Cette approche déboucherait sur l’existence au niveau national d’une protection des

savoirs traditionnels par un ensemble de droits fondés sur l’application des droits de

propriété intellectuelle existants, sur des mesures sui generis et sur d’autres instruments

sans rapport avec la propriété intellectuelle, comme les règles relatives à l’accès et les

arrangements contractuels. Cet ensemble de moyens offrirait une protection sur mesure

aux savoirs traditionnels.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

5

1. La protection des savoirs faire traditionnels

Le présent document fournit le texte des éléments proposés, qui sont présentés dans

le corps du document. Ils sont regroupés en une seule proposition afin de faciliter la

poursuite de la réflexion et de la discussion sur les options qu’aurait le comité dans son

travail d’élaboration d’une synthèse des objectifs de politique générale et des principes

fondamentaux.

1.1 Terminologie

L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

(UNESCO) parle "d'expressions du folklore" pour désigner "des éléments caractéristiques

du patrimoine artistique traditionnel développé et perpétué par une communauté ou par des

individus reconnus comme répondant aux aspirations artistiques traditionnelles de

cette communauté".

Souvent, l'expression "savoirs traditionnels" désigne uniquement les connaissances

biologiques et écologiques, et notamment celles qui concernent la gestion et la

conservation des ressources et de l'environnement, connaissances qui ont toutes une valeur

économique, commerciale et culturelle. Toutefois, on s'accorde de plus en plus à

reconnaître qu'au sens large, cette expression renvoie tant aux connaissances écologiques et

biologiques qu'aux formes d'expression culturelle et artistique.

Dans le présent travail, l'expression "savoirs traditionnels" désigne à la fois les

aspects matériels et immatériels des cultures autochtones; on notera toutefois que dans le

cadre de ses délibérations, la Commission des aborigènes et des insulaires du détroit de

Torres a adopté l'expression "biens intellectuels et culturels des peuples autochtones".

Cette expression est fondée sur la définition du "patrimoine" figurant dans le projet de

principes et de directives pour la protection du patrimoine des peuples autochtones

(E/CN.4/Sub.2/1994/31) élaboré par Erika-Irene Daes, Rapporteuse spéciale de la

Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme et ancienne

présidente du Groupe de travail sur les populations autochtones. Cette définition englobe

tous les aspects du patrimoine notamment :

a) Les œuvres et les activités littéraires et artistiques (chants, musique, danses,

contes, cérémonies, symboles, langues et graphismes);

b) Les langues;

c) Les connaissances scientifiques, agricoles, techniques et écologiques (y

compris les cultigènes, les médicaments et les phénotypes de la flore et de la faune);

d) Les connaissances spirituelles;

e) Tous les biens culturels meubles;

f) Les vestiges ancestraux;

g) Le matériel génétique humain (y compris, l'ADN et les tissus);

h) Les biens culturels immeubles (dont les sites sacrés, les sites d'importance

historique et les lieux de sépulture);

i) Les documents relatifs au patrimoine des peuples autochtones (archives,

films, photographies, cassettes vidéo ou audio et tout autre support).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

6

Cette définition a pour objet de situer les peuples et les cultures autochtones dans le

contexte contemporain et se fonde sur la volonté de survie et le consensus des

communautés autochtones.

1.2 Objectifs de politique générale La protection des savoirs traditionnels doit viser les objectifs suivants :

[Reconnaître la valeur des savoirs traditionnels]

reconnaître la valeur intrinsèque des savoirs traditionnels, notamment leur valeur

sociale, spirituelle, économique, intellectuelle, scientifique, écologique,

technologique, commerciale et éducative, et tenir compte du fait que les systèmes de

savoirs traditionnels constituent des cadres où se manifestent en permanence une

innovation ainsi qu’une vie intellectuelle et créative distinctive qui bénéficient à toute

l’humanité;

[Assurer le respect des systèmes et des détenteurs de savoirs traditionnels]

assurer le respect des systèmes de savoirs traditionnels, ainsi que de la dignité, de

l’intégrité culturelle et des valeurs intellectuelles et spirituelles des détenteurs de

savoirs traditionnels qui préservent et perpétuent ces systèmes; assurer également le

respect de la contribution que les détenteurs de savoirs traditionnels ont apportée à la

préservation de l’environnement, à la sécurité alimentaire et à une agriculture durable,

ainsi qu’au progrès de la science et de la technologie;

[Répondre aux besoins réels des détenteurs de savoirs traditionnels]

s’orienter en fonction des aspirations et des attentes exprimées directement par les

détenteurs de savoirs traditionnels, contribuer au bien-être et au développement

économique, culturel et social durable de ces détenteurs et récompenser leur

contribution au progrès de la science et des arts appliqués;

[Donner des moyens d’action aux détenteurs de savoirs traditionnels]

s’inspirer de la protection fournie aux créations et innovations intellectuelles, d’une

façon à la fois équilibrée et équitable et en donnant aux détenteurs de savoirs

traditionnels des moyens efficaces d’avoir dûment la maîtrise de leurs propres savoirs,

et notamment d’exercer un droit moral et des droits patrimoniaux appropriés;

[Soutenir les systèmes de savoirs traditionnels]

respecter et faciliter le processus constant d’usage, de développement, d’échange et de

transmission coutumiers des savoirs traditionnels par et entre les détenteurs de ces

savoirs; en outre, soutenir et développer le mode coutumier de conservation de ces

savoirs et des ressources génétiques qui leur sont associées, et favoriser la poursuite

du développement des systèmes de savoirs traditionnels;

[Contribuer à la sauvegarde des savoirs traditionnels]

contribuer à la préservation et à la sauvegarde des savoirs traditionnels ainsi que des

moyens coutumiers nécessaires à leur développement, à leur préservation et à leur

transmission, et œuvrer en faveur de la conservation, du maintien, de l’application et

d’un usage plus large de ces savoirs, dans l’intérêt direct de leurs détenteurs en

particulier, et pour le bien de l’humanité en général;

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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[Réprimer les utilisations déloyales et inéquitables]

réprimer l’appropriation illicite de savoirs traditionnels et toutes autres activités

commerciales déloyales;

[Cadrer avec les accords et processus internationaux pertinents]

reconnaître les autres instruments et processus internationaux et régionaux et en tenir

compte, s’agissant en particulier des systèmes qui régissent l’accès aux ressources

génétiques associées aux savoirs traditionnels et le partage des avantages en

découlant, qui reconnaissent les droits des agriculteurs et qui atténuent les effets de la

sécheresse dans les pays en proie à une sécheresse grave ou à la désertification;

[Encourager l’innovation et la créativité]

encourager, récompenser et protéger la créativité et l’innovation fondées sur la

tradition, en particulier lorsque cela est souhaité par les détenteurs de savoirs

traditionnels; en outre, promouvoir l’innovation et le transfert de technologie dans

l’intérêt commun des détenteurs et des utilisateurs de savoirs traditionnels;

[Encourager l’échange intellectuel et technologique]

favoriser l’accès aux savoirs traditionnels et leur utilisation sur une plus grande

échelle à des conditions justes et équitables, dans l’intérêt général du public et en tant

que moyen de développement durable, en coordination avec les régimes

internationaux et nationaux en place régissant l’accès aux ressources génétiques et

leur utilisation;

[Promouvoir un partage équitable des avantages]

promouvoir une répartition juste et équitable des avantages monétaires et

non monétaires découlant de l’utilisation des savoirs traditionnels, selon des modalités

compatibles avec les autres régimes internationaux pertinents;

[Promouvoir le développement communautaire et les activités commerciales

légitimes]

encourager l’utilisation des savoirs traditionnels aux fins du développement

communautaire, en reconnaissant ces savoirs comme un bien de leurs détenteurs;

favoriser en outre le développement et l’expansion de possibilités de

commercialisation pour les produits authentiques des savoirs traditionnels et des

industries communautaires associées;

[Empêcher l’octroi de droits de propriété intellectuelle non valables]

empêcher l’octroi ou l’exercice de droits de propriété intellectuelle non valables sur

les savoirs traditionnels et les ressources génétiques associées;

[Renforcer la transparence et la confiance mutuelle]

renforcer la certitude et la transparence, ainsi que la compréhension et le respect

mutuels, dans les relations entre les détenteurs de savoirs traditionnels, d’une part, et

les milieux universitaires, commerciaux, pédagogiques et autres utilisant des savoirs

traditionnels, d’autre part;

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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[Apporter un complément à la protection des expressions culturelles

traditionnelles]

tenir compte de la protection des expressions culturelles traditionnelles ou expressions

of folklore, en respectant le fait que, pour de nombreuses communautés

traditionnelles, leurs savoirs et leurs expressions culturelles font indissociablement

partie de leur identité holistique.

1.3 Principes fondamentaux

A. Principes directeurs généraux

Il convient de respecter ces principes si l’on veut faire en sorte que les principes

particuliers concernant la protection soient équitables, équilibrés, efficaces et cohérents,

et servent adéquatement les objectifs de la protection. Chaque principe est suivi ici d’une

brève description de son effet possible; une description plus complète figure dans

l’annexe II

A1 : Principe de sensibilité aux besoins et aux aspirations des détenteurs de savoirs

traditionnels

La protection doit refléter les aspirations et les attentes des détenteurs de savoirs

traditionnels; elle doit notamment prendre en compte et appliquer dans la mesure du

possible les pratiques, lois et protocoles indigènes et coutumiers, tenir compte des aspects

culturels et économiques du développement, s’attaquer aux actes insultants, dégradants et

offensants, permettre une participation pleine et entière des détenteurs de savoirs

traditionnels, et reconnaître le caractère indissociable des savoirs traditionnels et des

expressions culturelles pour de nombreuses communautés.

A2 : Principe de reconnaissance des droits

Les droits des détenteurs de savoirs traditionnels à la protection effective de leurs

savoirs contre toute utilisation abusive et appropriation illicite doivent être reconnus.

A3 : Principe d’efficacité et d’accessibilité de la protection

Les mesures de protection des savoirs traditionnels doivent permettre effectivement de

réaliser les objectifs de la protection; elles doivent être compréhensibles, accessibles et

d’un coût abordable et ne pas représenter une charge pour leurs bénéficiaires, compte tenu

de l’environnement culturel, social et économique des détenteurs de savoirs traditionnels.

Les autorités nationales doivent mettre en place des procédures adéquates d’application des

droits permettant une action efficace contre l’appropriation illicite de savoirs traditionnels

et la violation du principe du consentement préalable donné en connaissance de cause.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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A4 : Principe de souplesse et d’exhaustivité

La protection doit respecter la diversité de savoirs traditionnels détenus par des

peuples et communautés différents dans divers secteurs, tenir compte de la diversité des

situations nationales – y compris en matière de contexte et de tradition juridiques – et

ménager une marge de manœuvre suffisante pour que les autorités nationales puissent

définir les moyens qui permettront le mieux de mettre en œuvre ces principes dans le cadre

des mécanismes législatifs en vigueur et de mécanismes spécifiques, en adaptant la

protection selon les besoins pour tenir compte d’objectifs sectoriels précis.

La protection peut associer des mesures à caractère exclusif et non exclusif et

utiliser les droits de propriété intellectuelle existants (assortis de mesures visant à améliorer

leur application et leur accessibilité concrète), des élargissements ou des adaptations

sui generis de ces droits et, enfin, des lois sui generis. Elle doit comprendre des mesures

défensives visant à empêcher l’acquisition illégitime de droits de propriété industrielle sur

des savoirs traditionnels ou des ressources génétiques associées, et des mesures positives

établissant les droits reconnus juridiquement aux détenteurs de savoirs traditionnels

A5 : Principe d’équité et de partage des avantages

La protection doit tenir compte d’une triple nécessité : maintenir un juste équilibre

entre les droits et intérêts de ceux qui développent, préservent et perpétuent les savoirs

traditionnels et ceux qui les utilisent et en tirent avantage, concilier des enjeux très divers

et faire en sorte que les mesures spécifiques qui seront prises soient proportionnées aux

objectifs de la protection et permettent de maintenir un juste équilibre entre les divers

intérêts en cause.

Les détenteurs de savoirs traditionnels doivent avoir droit à un partage juste et

équitable des avantages découlant de l’utilisation de leurs savoirs. Lorsque ces savoirs

sont associés à des ressources génétiques, la répartition des avantages doit être conforme

aux mesures – elles-mêmes conformes à la Convention sur la diversité biologique –

prévoyant le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.

A6 : Principe de compatibilité avec les systèmes juridiques en vigueur

La compétence de déterminer l’accès aux ressources génétiques, que celles-ci

soient ou non associées à des savoirs traditionnels, appartient aux gouvernements

nationaux, et elle est régie par les législations nationales. La protection des savoirs

traditionnels associés à des ressources génétiques doit être compatible avec la loi régissant

l’accès à ces ressources et le partage des avantages découlant de leur utilisation, si une telle

loi existe. Rien, dans les présents principes, ne saurait être interprété comme limitant les

droits souverains des États sur leurs ressources naturelles et la compétence des

gouvernements pour déterminer l’accès aux ressources génétiques, que ces ressources

soient ou non associées à des savoirs traditionnels protégés.

La protection des savoirs traditionnels doit être compatible avec les systèmes de

propriété intellectuelle en place et les appuyer, et doit améliorer l’applicabilité des

systèmes pertinents à l’objet des savoirs traditionnels dans l’intérêt des détenteurs de ces

savoirs et en tenant compte également de l’intérêt du grand public. Rien, dans les présents

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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principes, ne saurait être interprété comme dérogeant aux obligations que les autorités

nationales ont les unes envers les autres en vertu de la Convention de Paris et d’autres

instruments internationaux de propriété intellectuelle.

A7 : Principe de respect des autres instruments et processus internationaux et

régionaux et de coopération avec lesdits processus

Les modalités de la protection des savoirs traditionnels doivent être compatibles

avec les objectifs d’autres instruments et processus internationaux et régionaux pertinents,

et ne doivent pas porter atteinte à des droits et obligations particuliers déjà établis par des

instruments juridiques contraignants.

Rien, dans les présents principes, ne saurait être interprété comme ayant une

incidence sur l’interprétation d’autres instruments ou le travail d’autres instances qui

s’occupent du rôle des savoirs traditionnels dans leurs domaines d’action respectifs,

notamment du rôle des savoirs traditionnels dans la conservation de la diversité biologique,

la lutte contre la sécheresse et la désertification ou l’application des droits des agriculteurs

reconnus par les instruments internationaux pertinents et régis par les législations

nationales.

A8 : Principe de respect de l’usage et de la transmission coutumiers des savoirs

traditionnels

L’usage, les pratiques et les normes coutumiers doivent être respectés et il doit en

être tenu dûment compte dans la protection des savoirs traditionnels, dans la mesure du

possible et selon qu’il conviendra, sous réserve des législations et politiques nationales. La

protection accordée en dehors du contexte traditionnel ne doit pas être en conflit avec

l’accès coutumier aux savoirs traditionnels ni avec leur usage et leur transmission

coutumiers, et doit respecter et renforcer ce cadre coutumier.

A9 : Principe de reconnaissance des caractéristiques spécifiques des savoirs

traditionnels

La protection doit être adaptée à plusieurs caractéristiques des savoirs

traditionnels : leur environnement traditionnel; le contexte collectif ou communautaire et

le caractère intergénérationnel de leur développement, de leur préservation et de leur

transmission; leur relation avec l’identité et l’intégrité, les croyances, la spiritualité et les

valeurs culturelles et sociales d’une communauté et enfin, leur évolution constante au sein

de la communauté concernée.

B. Principes de fond particuliers

B1 : Protection contre l’appropriation illicite

[Prévention de l’appropriation illicite]

Les savoirs traditionnels doivent être protégés contre l’appropriation illicite.

[Nature générale de l’appropriation illicite]

Toute acquisition ou appropriation de savoirs traditionnels par des moyens

déloyaux ou illicites constitue un acte d’appropriation illicite. L’appropriation illicite peut

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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également recouvrir les actes suivants : tirer un avantage commercial de l’acquisition ou de

l’appropriation d’un savoir traditionnel lorsque la personne utilisant ce savoir a conscience

qu’il a été acquis ou qu’on se l’est approprié par des moyens déloyaux, ou fait preuve

d’une grave négligence en l’ignorant; et tirer des avantages inéquitables de savoirs

traditionnels en se livrant à d’autres activités commerciales contraires aux usages honnêtes.

[Actes d’appropriation illicite]

Des moyens juridiques doivent notamment être à disposition pour interdire les actes

suivants :

toute acquisition d’un savoir traditionnel par le vol, la corruption, la coercition, la

fraude, l’atteinte à la propriété, la rupture ou l’incitation à la rupture de contrat, la

violation ou l’incitation à la violation de confidence ou de confidentialité, le

non-respect d’obligations fiduciaires ou d’autres relations de confiance, la tromperie, la

déclaration mensongère, la fourniture d’informations trompeuses lors de l’obtention du

consentement préalable donné en connaissance de cause pour accéder à un savoir

traditionnel, ou autres moyens déloyaux ou malhonnêtes;

toute acquisition d’un savoir traditionnel ou tout exercice d’un contrôle sur un savoir

traditionnel en violation de mesures juridiques subordonnant au consentement

préalable donné en connaissance de cause l’accès à ce savoir, et toute utilisation d’un

savoir traditionnel constituant une violation de modalités convenues d’un commun

accord comme condition de l’octroi du consentement préalable donné en connaissance

de cause;

toute revendication mensongère de droits de propriété ou de contrôle sur un savoir

traditionnel, y compris l’acquisition, la revendication ou l’affirmation de droits de

propriété intellectuelle sur un objet lié à un savoir traditionnel, lorsque l’auteur de

l’acte savait qu’il n’était pas licitement titulaire de ces droits en raison du savoir

traditionnel lui-même et des conditions régissant l’accès à ce savoir, et

toute utilisation commerciale ou industrielle d’un savoir traditionnel sans rémunération

juste et équitable des détenteurs reconnus de ce savoir, lorsque cette utilisation a un but

lucratif et confère à l’utilisateur un avantage technologique ou commercial, et lorsque

la rémunération représenterait un acte juste et équitable envers les détenteurs du savoir

étant donné les circonstances dans lesquelles l’utilisateur a acquis ce dernier.

[Protection générale contre la concurrence déloyale]

Les détenteurs de savoirs traditionnels doivent en outre être protégés efficacement

contre d’autres actes de concurrence déloyale, y compris les actes précisés dans

l’article 10bis de la Convention de Paris. Il s’agit notamment de déclarations fausses ou

fallacieuses affirmant qu’un produit ou service est produit ou fourni avec la participation

ou l’approbation des détenteurs d’un savoir traditionnel, ou que l’exploitation commerciale

d’un produit ou d’un service profite aux détenteurs d’un savoir traditionnel.

[Reconnaissance du contexte coutumier]

L’application, l’interprétation et la mise en œuvre de la protection contre

l’appropriation illicite d’un savoir traditionnel, y compris la détermination d’un partage et

d’une répartition équitables des avantages, doivent obéir, dans la mesure du possible et

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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lorsque cela se justifie, à un principe de respect des pratiques, normes, lois et conceptions

coutumières des détenteurs du savoir en question, et notamment du caractère spirituel,

sacré ou cérémoniel de l’origine traditionnelle de ce savoir.

B2 : Forme juridique de la protection

La protection peut être mise en œuvre par les moyens suivants : une loi spécifique

sur les savoirs traditionnels; la législation régissant la propriété intellectuelle, y compris

les lois sur la concurrence déloyale et l’enrichissement sans cause; la loi sur la

responsabilité délictuelle en matière civile, sur la responsabilité ou sur les obligations

civiles; le droit pénal; les lois relatives aux intérêts des peuples autochtones; les régimes

concernant l’accès et le partage des avantages, ou toute autre loi ou combinaison de

certaines de ces lois.

La protection ne doit pas nécessairement revêtir la forme de droits de propriété

exclusifs bien que de tels droits puissent, le cas échéant, être accordés aux détenteurs de

savoirs traditionnels – notamment dans le cadre de systèmes de droits de propriété

intellectuelle existants ou adaptés à cet effet – en fonction des besoins et des choix des

détenteurs des savoirs en question et conformément aux lois et politiques nationales ainsi

qu’aux obligations internationales.

B3 : Portée générale de l’objet

Les présents principes concernent la protection des savoirs traditionnels contre leur

appropriation illicite et leur utilisation abusive en dehors de leur contexte traditionnel, et ne

sauraient être interprétés comme limitant ou tendant à définir les conceptions holistiques

très diverses de ces savoirs dans les milieux traditionnels.

Aux fins des présents principes uniquement, le terme “savoir traditionnel” s’entend

du contenu ou de la substance d’un savoir qui résulte d’une activité intellectuelle et d’une

sensibilité ayant pour cadre un contexte traditionnel, et comprend le savoir-faire, les

techniques, les innovations, les pratiques et l’apprentissage qui font partie des systèmes de

savoirs traditionnels, ledit savoir s’exprimant dans le mode de vie traditionnel d’une

communauté ou d’un peuple, ou étant contenu dans les systèmes de savoirs codifiés

transmis d’une génération à l’autre. Le terme n’est pas limité à un domaine technique

spécifique, et peut s’appliquer à un savoir agricole, écologique ou médical, ainsi qu’à un

savoir associé à des ressources génétiques.

B4 : Droit à la protection

Doivent être protégés au minimum les savoirs traditionnels qui sont

engendrés, préservés et transmis dans un contexte traditionnel et intergénérationnel;

associés de façon distinctive à une communauté ou à un peuple traditionnel ou

autochtone et, à ce titre, préservés et transmis d’une génération à l’autre

indissociablement liés à l’identité culturelle d’une communauté ou d’un peuple

autochtone ou traditionnel qui est reconnu comme détenant le savoir en tant que

dépositaire, gardien ou entité investie d’une propriété ou d’une responsabilité culturelle

collective en la matière – par exemple la conscience d’une obligation de préserver les

savoirs, de les utiliser et de les transmettre de façon appropriée, ou du fait que toute

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

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appropriation illicite ou utilisation avilissante du savoir serait préjudiciable ou

offensante. Ce lien peut être établi officiellement ou de manière informelle par les

pratiques, lois ou protocoles coutumiers.

B5 : Bénéficiaires de la protection

La protection des savoirs traditionnels doit viser principalement l’intérêt des

détenteurs des savoirs, en vertu de la relation décrite sous la rubrique “droit à la

protection”. Elle doit en particulier bénéficier aux communautés et peuples autochtones et

traditionnels qui développent et perpétuent les savoirs traditionnels, s’identifient

culturellement à eux et s’efforcent de les transmettre d’une génération à l’autre, ainsi qu’à

des personnes reconnues au sein de ces communautés et peuples. Le droit de bénéficier de

la protection doit, dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra, tenir compte des

protocoles, accords, lois et usages coutumiers de ces communautés et de ces peuples. Les

avantages de la protection conférée doivent être en adéquation avec le contexte culturel et

social ainsi qu’avec les besoins et aspirations des bénéficiaires.

B6 : Rémunération équitable et reconnaissance des détenteurs de savoirs

Toute utilisation commerciale ou industrielle d’un savoir traditionnel doit donner

lieu à une rémunération juste et appropriée des détenteurs traditionnels de ce savoir lorsque

cette utilisation a un but lucratif et confère un avantage technologique ou commercial, et

lorsque la rémunération représenterait un acte de loyauté et d’équité envers les détenteurs

du savoir étant donné les circonstances dans lesquelles l’utilisateur a acquis ce dernier. Il

doit y avoir compensation, en particulier, lorsque l’accès à un savoir ou son acquisition se

sont faits d’une façon permettant de s’attendre raisonnablement à ce que les avantages de

son utilisation soient partagés équitablement, et lorsque l’utilisateur a conscience du lien

distinctif qui unit ce savoir à une certaine communauté ou à un peuple précis. La forme

que revêtira la rémunération doit répondre aux besoins exprès des détenteurs du savoir

traditionnel et être culturellement appropriée.

L’utilisation d’un savoir traditionnel à des fins non commerciales ne doit pas

nécessairement entraîner une obligation de rémunération; toutefois, il convient

d’encourager un partage convenable des avantages découlant de cette utilisation, y compris

l’accès de la communauté source aux résultats de la recherche et son association aux

activités de recherche et d’enseignement fondées sur le savoir en question.

Ceux qui utilisent un savoir traditionnel en dehors de son contexte traditionnel

doivent, autant qu’il est raisonnablement possible de le faire, s’efforcer d’identifier la

source et l’origine de ce savoir, indiquer les détenteurs du savoir comme étant cette source,

et utiliser et mentionner le savoir en question d’une façon qui tienne compte des valeurs

culturelles de ses détenteurs et les respecte.

B7 : Principe du consentement préalable donné en connaissance de cause

Le principe du consentement préalable donné en connaissance de cause doit régir

tout accès direct à un savoir traditionnel ou acquisition d’un tel savoir directement auprès

de ses détenteurs traditionnels, compte tenu des présents principes et de la législation

nationale pertinente.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

14

Les systèmes ou mécanismes juridiques régissant l’obtention du consentement

préalable donné en connaissance de cause doivent garantir la sécurité juridique et la clarté

nécessaires; ils ne doivent pas créer de charges pour les détenteurs de savoirs traditionnels

et les utilisateurs légitimes de tels savoirs; ils doivent être tels que les restrictions d’accès

aux savoirs traditionnels soient transparentes et fondées sur des motifs juridiques et, enfin,

ils doivent prévoir que des modalités soient fixées d’un commun accord pour le partage

équitable des avantages découlant de l’utilisation des savoirs traditionnels.

Les détenteurs de savoirs traditionnels doivent avoir le droit de donner leur

consentement préalable en connaissance de cause pour l’accès à ces savoirs, ou

d’approuver l’octroi de ce consentement par une autorité nationale compétente, selon les

dispositions de la législation nationale en vigueur.

B8 : Exceptions et limitations

La demande de protection de savoirs traditionnels et la mise en œuvre de cette

protection ne doivent pas avoir d’incidence négative sur

la disponibilité permanente des savoirs traditionnels aux fins de leur

pratique, de leur échange, de leur usage et de leur transmission coutumiers par leurs

détenteurs;

l’usage de la médecine traditionnelle à des fins domestiques, dans les

hôpitaux publics ou à d’autres fins relevant de la santé publique; et

tout autre usage loyal de savoirs traditionnels ou acte loyal accompli à

l’égard de tels savoirs, notamment une utilisation de bonne foi qui aurait commencé avant

la mise en place de la protection.

Les autorités nationales doivent en particulier exclure du principe du consentement

préalable donné en connaissance de cause l’usage loyal d’un savoir traditionnel qui est déjà

d’un accès facile pour le grand public, à condition que les utilisateurs de ce savoir

traditionnel fournissent une rémunération équitable en échange de l’usage industriel ou

commercial qu’ils en feront.

B9 : Durée de la protection

La protection d’un savoir traditionnel contre toute appropriation illicite doit durer

aussi longtemps que ce savoir remplit les critères de protection applicables, en particulier

aussi longtemps qu’il est perpétué par ses détenteurs, reste clairement associé à eux et

continue à faire partie intégrante de leur identité collective. La durée de toute protection

supplémentaire contre d’autres actes qui serait prévue par des lois ou mesures nationales

ou régionales devra être précisée dans ces lois ou mesures.

B10 : Application dans le temps

Toute protection de savoirs traditionnels nouvellement mise en place conformément

aux présents principes doit s’appliquer aux nouveaux actes d’acquisition, d’appropriation

et d’utilisation de savoirs traditionnels. Les acquisitions ou utilisations récentes de tels

savoirs doivent être régularisées, autant que possible, dans un certain délai à compter de

l’entrée en vigueur de la protection, un traitement équitable devant toutefois être réservé

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

15

aux droits acquis par des tiers de bonne foi. Le maintien d’un usage antérieur de bonne foi

qui dure depuis longtemps peut être autorisé, mais il faudra encourager l’utilisateur à

indiquer la source du savoir traditionnel concerné et à partager avec ses détenteurs les

avantages découlant de cet usage.

B11 : Formalités

Le droit à la protection de savoirs traditionnels contre les actes d’appropriation

illicite et autres actes de concurrence déloyale ne doit être soumis à aucune formalité.

À des fins de transparence, de certitude et de préservation des savoirs traditionnels,

les autorités nationales compétentes peuvent tenir des registres ou procéder à d’autres types

d’enregistrement de ces savoirs, selon qu’il conviendra et sous réserve des politiques, lois

et procédures pertinentes ainsi que des besoins et des aspirations des détenteurs des savoirs

traditionnels concernés. Les registres peuvent être associés à des modes de protection

spécifiques et ne doivent pas compromettre le statut de savoirs traditionnels non encore

divulgués, ni les intérêts des détenteurs par rapport à des éléments non divulgués de leurs

savoirs.

B12 : Compatibilité avec le cadre juridique général

Dans le cas d’un savoir traditionnel relatif à des éléments de la diversité biologique,

l’accès à ce savoir et son utilisation doivent être compatibles avec la législation nationale

régissant l’accès à ces éléments de la biodiversité. L’autorisation d’utiliser un savoir

traditionnel n’entraîne pas l’autorisation d’utiliser les ressources génétiques qui lui sont

associées, et vice versa.

La protection des savoirs traditionnels doit être compatible avec les systèmes de

propriété intellectuelle existants et contribuer positivement à l’applicabilité des normes

internationales de propriété intellectuelle pertinentes, dans l’intérêt des détenteurs de

savoirs traditionnels.

Rien dans les présents principes ne saurait être interprété comme dérogeant aux

obligations que les administrations nationales ont les unes envers les autres en vertu de la

Convention de Paris et d’autres instruments internationaux de propriété intellectuelle.

B13 : Administration et application de la protection

Une autorité nationale ou régionale adéquate – ou plusieurs – doit avoir compétence

pour

diffuser l’information relative à la protection des savoirs traditionnels et mener des

campagnes d’annonces et de sensibilisation du public pour informer les détenteurs de

savoirs traditionnels et les autres parties prenantes de l’existence, de la portée et des

modalités d’utilisation et d’application de la protection de ces savoirs;

déterminer si un acte relatif à un savoir traditionnel constitue un acte d’appropriation

illicite ou un acte de concurrence déloyale à l’égard de ce savoir;

déterminer si l’accès à un savoir traditionnel et l’utilisation de ce savoir ont fait l’objet

d’un consentement préalable donné en connaissance de cause;

déterminer une rémunération équitable; établir également si un utilisateur de savoirs

traditionnels est tenu de payer une rémunération équitable et, si tel est le cas et selon

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

16

qu’il conviendra, faciliter et administrer le paiement et l’utilisation de cette

rémunération équitable;

établir si un droit sur un savoir traditionnel a été acquis, maintenu ou violé, et

déterminer les voies de droit à utiliser;

aider, dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra, les détenteurs de savoirs

traditionnels à acquérir, utiliser, exercer et faire respecter leurs droits sur leurs savoirs.

Les mesures et procédures mises au point par les autorités nationales et régionales

pour donner effet à la protection des savoirs traditionnels conformément aux présents

principes doivent être justes, équitables et accessibles, ne pas représenter une charge pour

les détenteurs de savoirs traditionnels, et sauvegarder les intérêts légitimes de tiers ainsi

que les intérêts du grand public.

B14 : Protection internationale et régionale

Des mécanismes juridiques et administratifs doivent être mis en place pour fournir

une protection efficace, dans les systèmes nationaux, aux savoirs traditionnels dont les

droits appartiennent à des titulaires étrangers. Des mesures doivent être prises pour

faciliter dans la mesure du possible l’obtention, la gestion et la mise en œuvre de cette

protection au bénéfice des détenteurs de savoirs traditionnels de pays étrangers.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

17

2. Moldavie, vue d’ensemble

La Moldavie ou République de

Moldova, en forme longue la République de

Moldova ou la République de Moldavie, en

roumain Moldova et Republica Moldova, est

un pays d'Europe orientale situé entre la

Roumanie et l'Ukraine, englobant des parties

des régions historiques de Bessarabie, et de

Podolie méridionale (dite Transnistrie en

roumain). La Moldavie est membre-signataire

de l'Accord de libre-échange centre-européen

et du GUAM (Organisation pour la

démocratie et le développement).

Étymologie

Historiquement, le nom de Moldavie

vient de l'ancien allemand Mulde qui signifie

« creux poussiéreux », « carrière », « mine »,

et qui a successivement désigné une cité

minière (en roumain Baia, qui signifie aussi «

carrière », « mine »), la rivière Moldova

passant à côté, et pour finir une principauté

née dans cette région. Ce nom désigne le

territoire de l'ancienne Principauté de

Moldavie (1359-1859) aujourd'hui partagé

entre la région de Moldavie en Roumanie

(soit 8 départements) à l'ouest du Prout, la

République de Moldavie à l'est du Prut,

successeur de la République socialiste

soviétique de Moldavie, et l'Ukraine soit

l'oblast de Tchernivtsi (ou Cernăuți en roumain), et la partie de l'oblast d'Odessa située à

l'ouest du Nistru ou Dniestr (Boudjak).

` Ces trois derniers territoires ont été créés par Staline suite à l'annexion soviétique

de juin 1940, permise par le Pacte germano-soviétique de 1939. L'adjectif géographique

Moldaves se réfère à tout ce qui concerne le territoire historique de la Moldavie.

Géographie

La Moldavie est localisée en Europe orientale. D'une superficie de 33 843 km², la

Moldavie s'étend sur 450 km du nord au sud et 200 km d'est en ouest.

Point extrême nord : Naslavcea - 48°28’

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

18

Point extrême sud : le port de

Giurgiulești, sur le Danube - 45°28’

Point extrême ouest : Criva, sur le Prut

- 26°40’

Point extrême est : Palanca, sur le

Dniestr - 30°06’

Altitude maximum : colline de

Bălănești : 430 m

Altitude minimum : basse plaine du

Dniestr près de la mer Noire : 0,8 m.

Occupation des sols :

terre arable : 53 %

cultures céréalières : 14 %

pâturages : 13 %

forêts anthropisées : 9 %

constructions, routes, etc. : 8 %

espaces naturels primaires : 3 %

La République de Moldavie occupe le

tiers central de l'ancienne goubernia russe de

Bessarabie telle qu'elle avait été définie en 1812, lorsqu'elle fut enlevée à la Principauté de

Moldavie, entre le Prut, le Dniestr et la mer Noire.

Le reste de la Bessarabie de 1812

appartient aujourd'hui à l'Ukraine :

Hotin/Khotin au nord-ouest, et le Boudjak au

sud-est (avec les quatre ports de Reni, Izmail,

Chilia/Kiliya et Cetatea Albă/Bilhorod-

Dnistrovskyi) entre la République de

Moldavie, la Roumanie, l'embouchure du

Dniestr et la mer Noire).

Ainsi enclavée, la République de

Moldavie s'étend aussi sur une partie de la

Podolie (rive gauche du Dniestr) qu'elle

partage également avec l'Ukraine. C'est là que

se situe la République moldave du Dniestr,

non reconnue par la communauté

internationale.

Environnement

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

19

La Moldavie, qui a su conserver un environnement très riche est comme d'autres

pays de l'Est de l'Europe, parmi les premiers à avoir concrétisé, avec l'aide de la Société

écologique « Biotica » un réseau écologique national, dans le cadre de sa stratégie

nationale et son plan d’action dans le domaine de la protection de la diversité biologique,

qui inclut la déclinaison locale du réseau écologique paneuropéen (plan approuvé le 27

avril 2001).

En 2001, les noyaux du réseau écologique y couvraient 73 145 ha, incluant cinq

réserves scientifiques (19 378 ha), près de 30 réserves naturelles (22 278 ha), 13 territoires

ayant un autre statut de protection (4 350 ha), 13 habitats humides étant repérés, mais

encore sans statut de protection (24 592 ha).

Des corridors biologiques d'importance nationale et/ou internationale ont été

distingués et cartographiés dans ce plan. L'une des plus anciennes de ces réserves est celle

du Codru, située au centre du pays et dans la zone la plus haute en altitude (432 m).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

20

Histoire

Il y a plus de 18 siècles : peuplée par les Daces ou Thraces septentrionaux (selon

Hérodote), la région échappe à la conquête de la Dacie par l'Empire romain : seul le

sud (département de Cahul) est intégré à la province romaine de Scythie mineure ;

Au Moyen Âge : après avoir été partagée entre plusieurs petits duchés (Onut,

Soroca, Hansca, Bârlad) et le peuple des Iasses, la région fait partie depuis 1359 de

la Principauté de Moldavie ;

En 1367, la Bessarabie jusque-là

valaque est rattachée à la Moldavie

(mais à l'époque, le nom de

Bessarabie désigne seulement les

rivages du Danube et de la Mer

Noire libérés des Tatars par la

dynastie valaque des Basarab : cette

région est maintenant appelée

Boudjak) ;

À partir de 1538 la Moldavie doit

payer tribut à l'Empire ottoman mais

conserve son autonomie ;

En 1774, l'Autriche annexe la

Bucovine (au nord-ouest du pays),

puis en 1812, les Russes qui visent

le contrôle des bouches du Danube obtiennent la moitié orientale du pays, et

étendent le nom de Bessarabie à tout le territoire annexé dont Chișinău devient la

capitale (traité de Bucarest - 1812) ;

En 1856, suite à la guerre de Crimée, la Principauté de Moldavie récupère le Sud de

la Bessarabie (aujourd'hui Boudjak, aussi nommée Bugeac en roumain) ;

En 1859, la Principauté de Moldavie et la Principauté de Valachie s'unissent pour

former la Roumanie : dès lors, les roumanophones des pays voisins (Banat,

Transylvanie, Marmatie, Bucovine, Bessarabie et Dobroudja) réclament leur

rattachement à ce pays ;

En 1878, suite à la guerre que Russes et Roumains ont mené ensemble contre

l'Empire ottoman, la Russie récupère le sud de la Bessarabie (aujourd'hui Boudjak)

mais l'indépendance de la Roumanie est internationalement reconnue ;

Pendant la Première Guerre mondiale le 2 décembre 1917 : indépendance de la

République démocratique de Moldavie (jusqu'à la mer Noire, dans les frontières de

la Bessarabie impériale russe) ;

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

21

Le 27 mars 1918, son Parlement

vote le rattachement à la Roumanie -

mais fin 1918, elle passe sous le

contrôle de l'Armée rouge et le

Parlement appelle à la rescousse une

division roumaine épaulée par un

corps de l'armée française

commandé par le général Berthelot ;

En 1924, l'URSS qui reprend à son

compte les ambitions géopolitiques

des Tzars, refuse de reconnaître ce

vote et fonde en Ukraine une Région

socialiste soviétique autonome

moldave (en roumain : Transnistrie)

;

2 août 1940 : alors que le roi Charles

II, pro-allié, est encore au pouvoir,

l'URSS, en application du Pacte

germano-soviétique, envahit au

début de la Seconde Guerre

mondiale le territoire, que les

Roumains évacuent sans combattre.

Les Soviétiques rattachent les deux

tiers à la RSSAM (le tiers restant va

à l'Ukraine) et déportent 110 000

roumanophones instruits (même

politique qu'en Pologne et dans les

pays baltes) ;

En juin 1941, la Roumanie, cette fois dirigée par Ion Antonescu, le « Pétain

roumain », attaque l'URSS aux côtés de l'Axe et récupère le territoire : déportation

de 140 000 juifs (210 000 autres fuient vers l'URSS : la plupart seront rattrapés par

la Wehrmacht ou l'armée roumaine et tués en Ukraine) et de certains Roms ;

Mars-août 1944 l'URSS récupère à son tour le territoire : déportation de septembre

1944 à mai 1945 de 120 000 roumanophones accusés d'avoir servi la Roumanie) ;

Sous le régime soviétique, une intense colonisation slave se développe et les

roumanophones continuent à être dispersés hors de Moldavie par le jeu des

attributions de postes et des déplacements de main-d'œuvre pour les grands travaux

(beaucoup se retrouvent au Kazakhstan) : en 1978, 86 % des dirigeants sont des

non-Roumains (Russes et Ukrainiens pour la plupart) ;

1985-91 : sous Gorbatchev, la politique de perestroïka se traduit en Moldavie par

une revendication de reconnaissance de l'identité roumaine des autochtones et par

un retour à l'alphabet latin, le roumain devenant officiel à côté du russe ;

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

22

27 août 1991 : la République de

Moldavie proclame son indépendance,

immédiatement reconnue par la

Roumanie, puis par la communauté

internationale ;

Décembre 1991, la « République

moldave du Dniestr » dite improprement

« Transnistrie » (en fait, la Transnistrie

est beaucoup plus vaste, et à 92 %

ukrainienne) proclame son indépendance

par rapport à Chișinău (indépendance

non reconnue par la communauté

internationale), et demande son

rattachement à la Russie ou à l'Ukraine ;

500 « cosaques » russophones encadrés

par la 14e armée russe (stationnée à

Tiraspol) prennent le contrôle de la rive

gauche du Dniestr où se trouvent 80 %

des industries, l'arsenal de Colbasna et la

centrale hydroélectrique de Dubăsari ; un

millier de volontaires moldaves armés passent le Dniestr pour en reprendre le

contrôle, mais sont repoussés (208 tués);

La vie politique entre 1991 et 2010 est dominée par la lutte d'influence entre d'une

part les communistes qui se réfèrent explicitement au modèle soviétique et

recueillent les suffrages de la grande majorité des slavophones et d'une partie des

roumanophones, notamment en milieu rural, et d'autre part les non-communistes

(agrariens, centristes, libéraux, chrétiens-démocrates, socialistes modérés) qui se

réfèrent explicitement au modèle européen et roumain, et recueillent les suffrages

d'une autre partie des roumanophones, notamment en milieu urbain ; à partir de

1995, mais surtout après 2000, les communistes dominent nettement la scène

politique, exerçant quasiment seuls le pouvoir de 2001 à 2009 ;

Après que l'opposition ait dénoncé la victoire aux élections législatives des

communistes, accusés d'intimidation et de corruption, le 7 avril 2009 à Chișinău de

manifestations sont violemment réprimées devant le parlement (décès de trois

personnes) tandis que de leur côté les communistes accusent l'OTAN et la

Roumanie de susciter artificiellement ces incidents ;

À la suite des élections législatives de juillet 2009, quatre partis d'opposition

(Libéral-démocrate, Libéral, social-démocrate, et chrétien-démocrate) s'unissent

pour former une Alliance pour l'intégration européenne (AIE) qui remporte 53

sièges contre 48 au Parti communiste, qui reste néanmoins le plus puissant des

partis politiques de Moldavie, et en pourcentage de voix, l'un des plus puissants

partis communistes d'Europe.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

23

Situation actuelle

Le 5 avril 2009, 2,5 millions

d'électeurs sont appelés à voter,

surveillés de près par de nombreux

observateurs internationaux, dont une

délégation du Parlement européen. Les

élections se déroulent dans le calme et

le respect du pluralisme, malgré

certains problèmes de procédure. En

effet, la députée européenne Marianne

Mikko (Estonienne, Parti socialiste

européen), à la tête de la délégation

d'observation du Parlement européen, a

observé de « réels progrès » par rapport

aux élections législatives de 2005. La

délégation du parlement a cependant

noté que des efforts supplémentaires

devraient être faits concernant la

neutralité des chaînes de télévision et

de radio publiques, qui l'oublient trop

souvent. Enfin, la campagne a été

marquée par des plaintes pour

intimidation de la part d'électeurs ou de

candidats.

Selon la Commission électorale

centrale moldave, le Parti communiste

obtient 49,48 % des voix et 60 mandats

de députés, soit un mandat de moins

que nécessaire pour pouvoir élire le

chef de l’État. Par ailleurs, le Parti

libéral obtient 13,14 % des voix (15

mandats), le Parti libéral-démocrate de

Moldavie 12,43 % des voix (15

mandats) et l’Alliance « Notre Moldavie » 9,77 % des voix (11 mandats).

Le Parti communiste ne parvenant pas à faire élire son candidat, de nouvelles

élections doivent être organisées. Elles ont lieu en juillet 2009. Les principaux partis

politiques sont alors les suivants :

Alliance pour l'intégration européenne (AIE), 53 sièges, formée de 4 partis :

Parti libéral-démocrate de Moldavie, 18 sièges

Parti libéral, 15 sièges

Parti démocrate de Moldavie, 13 sièges

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

24

Alliance Notre Moldavie, 7 sièges.

Parti des communistes de la République de Moldavie, 48 sièges

Ces nouvelles élections se caractérisent par une nouvelle baisse du Parti

communiste avec 44,7 % des suffrages. Les quatre partis politiques formant l'« Alliance

pour l'intégration européenne » (AIE), arrivent à franchir la barre des 5 % leur permettant

d'être représentés au Parlement, et réunissent ensemble 51 % des suffrages. Leur coalition

remporte ainsi 53 sièges, soit plus que la majorité absolue, permettant à un nouveau

gouvernement d'entrer en fonction, dirigé par Vlad Filat. Cependant la coalition ne peut

pas élire son candidat à la présidence, car selon les amendements constitutionnels votés en

juillet 2000, cela nécessite 61 voix sur les 101 membres du Parlement.

Dans une telle configuration, de nouvelles élections auraient dû avoir lieu, mais la

même Constitution limite le nombre d'élections pouvant être tenues dans un laps de temps

aussi court, produisant une situation de blocage. Pour y pallier, la coalition au pouvoir

organise un référendum prévoyant l'élection du Président de la République au suffrage

direct. Ainsi, des élections présidentielle et législatives pourront avoir lieu en même temps,

en novembre 2010. Le Parti communiste appelle au boycott du référendum, et le taux de

participation n'atteint que 30 %, alors qu'il aurait dû dépasser 33,3 % pour être valide.

Ainsi, de nouvelles élections législatives se tiennent le 28 novembre 2010. Le PCRM

obtient 42 sièges, le PLDM 32, le Parti démocrate de Moldavie 15 et le Parti libéral 12.

Cette élection ne change pas le problème de départ : la coalition sortante ne pourra pas

disposer des 61 sièges nécessaires pour élire le

président de la République. En outre, lors de

l'ouverture du nouveau parlement, le 28 décembre,

celui-ci se révèle incapable d'élire son président,

qui aurait alors exercé l'intérim à la tête de l'État.

Le Premier ministre démissionnaire, Vlad Filat,

remplit de ce fait l'intérim de la présidence de la

République pendant deux jours avant que

finalement les députés de la nouvelle coalition

associant le PLDM, le PDM et le PL ne se mettent

d'accord pour élire Marian Lupu à la présidence du

Parlement le 30 décembre, celui-ci devenant

automatiquement chef de l'État par intérim

Controverse identitaire et

linguistique

L'héritage de l'ancienne principauté

entretient une dispute entre d'une part le Parti

communiste moldave et ses alliés, et d'autre part

les partis non-communistes de Moldavie et les

autorités académiques roumaines au sujet de

l'identité historique, linguistique et culturelle des

habitants autochtones de la Moldavie historique.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

25

Depuis le XIXe siècle, les populations roumanophones des territoires ayant

appartenu successivement à l'Empire russe, à l'URSS et depuis 1991 à la République de

Moldavie sont définies, ainsi que leur langue, comme « Moldaves » successivement par les

autorités impériales russes, par les autorités soviétiques, puis par celles de Chișinău depuis

1994 : ce terme de « Moldaves » est exclusif de celui de « Roumains ». Ces mêmes

populations sont désignées comme « Roumaines » par la Roumanie, ainsi que par les pro-

européens de Moldavie, comme le sont également les majorités autochtones de

Transylvanie, du Banat, de la Dobrogée ou Dobroudja, de la Valachie et de la partie

roumaine de la Moldavie: dans ce sens, le terme de « Moldaves » est inclusif dans celui de

« Roumains ».

Les partisans d'une identité « Moldave différente des Roumains » ont des positions

divergentes à propos des habitants de la partie roumaine de la Moldavie. Pour certains, ce

sont des « Moldaves différents des Roumains » au même titre que ceux de l'ex-URSS. Pour

d'autres, ce sont des « Roumains différents des Moldaves » même s'ils se définissent eux

aussi comme Moldaves (mais non « différents » des Roumains).

Politique étrangère

La Moldavie entretient des relations diplomatiques complexes et mouvantes avec

ses deux voisins : la Roumanie avec laquelle elle partage une communauté linguistique,

culturelle et historique depuis plusieurs siècles ; et la Russie, héritière de l'URSS, dont la

Moldavie était une république constituante jusqu'à l'indépendance de 1991. Les volte-face

ont été nombreuses : à une période d'ouverture des frontières, d'abolition des visas et de

mise en commun des réseaux téléphoniques avec la Roumanie, contemporaine d'un net

refroidissement des relations avec la Russie et l'Ukraine accusées de soutenir les

séparatistes de Tiraspol, succéda après 1994 un refroidissement progressif des relations

avec la Roumanie, suivi d'un antagonisme virant à l'hostilité après la venue au pouvoir des

communistes; parallèlement, les relations avec la Biélorussie, la Russie et l'Ukraine

s'intensifièrent, le gouvernement Voronine manifestant en 2001 sa volonté de rejoindre

l'Union russo-biélorusse; en 2007, l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne empira

encore la rupture côté ouest et l'ouverture à l'est, les conditions de visas et de séjour

devenant plus strictes entre Roumanie et Moldavie, alors qu'elles devenaient plus faciles

entre Russie, Ukraine, Biélorussie et Moldavie.

Toutefois, sur demande, la Roumanie accorde sa citoyenneté aux citoyens moldaves

dont au moins un ascendant est né citoyen roumain et qui passent avec succès un examen

de roumain, ce qui a suscité des controverses au sein de l'Union européenne, les autres

pays membres accusant la Roumanie de « vouloir faire entrer trois millions d'immigrés par

la porte de derrière ». Le président roumain Traian Băsescu a répondu que lors de

l'absorption de la RDA par la RFA, ce sont 18 millions de personnes qui ont rejoint la

Communauté européenne sans que ses autres membres aient été consultés.

La République de Moldavie est membre de la CSI et du GUAM, une organisation

internationale de coopération à vocation régionale. Cependant, l'alliance est peu active par

manque de moyens et d'objectif communs.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

26

La Moldavie est un État membre de l'Organisation internationale de la

francophonie. La majorité élue en 2009 souhaite intégrer l'Union européenne.

Subdivisions

La question de l'organisation

administrative du pays n'a jamais été

envisagée du point de vue de l'état de

droit (mêmes droits pour tous, à égalité)

ni du point de vue pratique et

ergonomique (des subdivisions basées

sur la géographie). Au contraire, elle a

été instrumentalisée dans le cadre du

combat politique entre la majorité

autochtone roumanophone, et les

minorités slavophones. Les dirigeants de

la communauté roumanophone ont

essayé d'appliquer à la Moldavie la

tradition administrative roumaine, elle-

même d'inspiration française, en mettant

en place des județe (départements) avec

un préfet et une forte centralisation. Les

dirigeants slavophones, inspirés par le

modèle soviétique, ont au contraire

préféré des raïons (arrondissements)

dirigés par des comités, avec des

différences entre raïons urbains et

ruraux, et des républiques autonomes

locales basées sur l'ethnographie.

Entre ces deux modèles, un

compromis qui ne satisfait personne, et

qui introduit des différences de droit d'une région à l'autre, a abouti en fin de compte à une

fédéralisation profitant à la République moldave du Dniestr, située entre le Dniestr et

l'Ukraine et au pays Gök-Oguz ou Gagaouzie, considérées comme des « unités territoriales

autonomes ». Ces deux territoires, où l'autorité de l'État ne s'exerce pas, disposent à eux

seuls de 85 % de la puissance économique de la Moldavie, alors qu'ils ne représentent que

18 % de son territoire.

Démographie

La République de Moldavie (hors la « république » autoproclamée pridniestréenne

dite Transnistrie) compte 3 388 000 habitants, selon le recensement de 2004, en baisse de

208 000 habitants (pour la plupart, expatriés) par rapport à 1989. Au total, on peut

supposer que la population de la République de Moldavie, atteint en 2005 un peu moins de

3 455 000 habitants.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

27

La région est au

carrefour de deux cultures :

celle latine de la majorité

roumaine et celle slave des

minorités russe et

ukrainienne. Cette situation

se traduit depuis 1812 (année

où la Russie tsariste occupe

la Moldavie suite à un traité

avec l'Empire ottoman) par

une diversité ethnique,

linguistique et culturelle.

Avant les bouleversements

démographiques de la

Seconde Guerre mondiale et

de l'après-guerre, la

population était constituée de

Roumains moldaves, de

Ruthènes ukrainiens, de

Russes blancs, de Bulgares,

d'Allemands de Bessarabie,

de Gök-Oguz ou Gagaouzes,

de Grecs, d'Arméniens et de

Juifs ashkénazes. Plus des

deux tiers de la population étaient Roumains (désignation linguistique) moldaves

(désignation géographique).

Au brassage de cultures et aux vagues migratoires se sont ajoutées au XXe siècle

les tragédies de la déportation organisée contre les Roms et les Juifs par le régime

d'Antonescu (le « Pétain roumain » comme il se qualifiait lui-même) et contre les

Roumains par l'URSS qui a également intensifié la colonisation russe. Le recensement ne

tient pas compte du fait que 70 % de la population est bilingue (roumain – russe), 30 %

seulement étant unilingues (roumain seul ou russe seul). C'est pourquoi, selon les

recensements et les auteurs, depuis 1910, la proportion de la majorité roumaine varie de 56

% à 79 %.

Le Bureau national de statistique de Chișinău a publié les résultats officiels du

recensement, qui offrait aux citoyens roumanophones la possibilité de choisir entre «

roumain » et « moldave ». Selon Moldpres, seuls 2,2 % se sont déclarés roumains, ce qui

les range à côté des autres minorités: 8 % des citoyens se déclarent Ukrainiens, 5,9 %

Russes, 4,4 % Gagaouzes (population turcophone chrétienne), et la très grande majorité

(près de 80 %) se désignent comme « Moldaves » (alors qu'aux recensements précédents,

les roumanophones oscillaient toujours entre 63 et 67 %). Il semblerait donc, à la grande

satisfaction du gouvernement communiste actuel (le président Voronin est lui-même un

Ukrainien, ancien membre du PC de l'URSS), que la très grande majorité des

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

28

roumanophones et une partie des slavophones aient choisi de se déclarer de « langue

moldave » (langue politique non reconnue par les linguistes). Ces résultats ne concernent

pas la « république » pridniestréenne ou Transnistrie.

Selon les différents recensements,

en 1970 : 69 % des habitants de la Moldavie ont déclaré que le moldave (nom du

roumain en URSS) était leur langue maternelle.

en 1989 : il y avait 88419 Bulgares en République de Moldavie.

en 1992 : 4.305 immigrants vers Israël depuis la République de Moldavie constituaient

7,1 % des immigrants ex-soviétiques vers Israël cette année-là. Simultanément, 60 %

des achats de terrains et d'immeubles par des étrangers en Moldavie étaient le fait de

citoyens israéliens.

en 2004 : il y avait 65 072 Bulgares selon le recensement.

en 2006 : 79 % des habitants de la Moldavie ont déclaré que le moldave était leur

langue usuelle (dont 63 % l'ont déclaré comme langue maternelle), 2,2 % se sont

déclarés de langue maternelle roumaine, 27 % le russe ou l'ukrainien.

Si le critère linguistique semble prêter à une grande confusion à cause des choix

politiques, celui ethnique est un peu plus clair, selon les traditions populaires, les coutumes

des villages, les revendications des habitants eux-mêmes et l'histoire. Dans la république

de Moldavie (sans la Transdniestrie) vivent 3 millions de Roumains, 250 000 Ukrainiens,

100 000 Gagaouzes et 900 000 Russes. Dans la république séparatiste de Transnistrie

vivent 300 000 Roumains, 250 000 Russes, 200 000 Ukrainiens et plusieurs milliers de

Juifs, Tatars, Bulgares, Gagaouzes, etc.

Sur l'ensemble des habitants actuels du territoire moldave, 3,3 millions sont

Moldaves (76,2 %), 450 000 sont Ukrainiens (10 %), 340 000 sont Russes (8 %), un peu

plus de 100 000 sont Gagaouzes (4,4 %) et presque 100 000 sont des minorités plus petites

(Polonais, Tziganes, Bulgares, Juifs, Tatars, etc.). Ces chiffres correspondent aussi aux

revendications de ces communautés ethniques. La grande majorité des habitants sont

bilingues, parfois trilingues.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

29

Selon des chiffres officieux, environ 1/4 de la population active a émigré (pays

d'Europe occidentale principalement, Russie et Ukraine) soit un taux migratoire net de -25

%. Les roumanophones choisissent surtout la Roumanie, l'Italie, l'Espagne et le Portugal,

les slavophones surtout les pays ex-soviétiques, la Pologne et l'Allemagne. Par ailleurs,

environ 150 000 citoyens moldaves ont également obtenu la citoyenneté roumaine et/ou

russe ou ukrainienne.

Économie

La Moldavie, pays européen peu connu, est située à un endroit stratégique. C’est

l’un des atouts de cet Etat de 4 millions d’habitants frontalier de la Roumanie et de

l’Ukraine, ouvert sur l’Europe Centrale, l’ex-URSS et la mer Noire, zones à forte

croissance.

La francophonie figure parmi les priorités de ce pays latin, comme en témoigne le

dynamisme des sections francophones et des classes bilingues. Par endroit, le Français est

toujours la première langue étrangère enseignée devant l’anglais. C’est donc naturellement

que le Président du Parlement, Marian Lupu a co-organisé avec l’association « Les

Moldaviens », un Forum intitulé « La francophonie est la voie européenne de la

Moldavie » le 7 juillet 2007.

Cette rencontre, qui entendait rendre compte des différentes dimensions de la

francophonie – politique, culturelle et économique – a été bien relayée dans les médias. En

effet, Chisinau souhaite organiser en 2012 le Sommet de la Francophonie – pour lequel il

existe un fort soutien populaire, et qui constitue une opportunité unique de faire rencontrer

les mondes francophone, russophone et turcophone, avec lesquels la Moldavie entretient

des liens privilégiés.

Le Forum a été riche d’enseignements – notons que malgré la traduction

simultanée, l’ensemble des intervenants moldaves, du Président du Parlement Marian Lupu

au Ministre de l’économie, (Igor Dodon, 32 ans) se sont exprimés dans un français

impeccable. Notons également que le nouveau maire de la capitale, Dorin Chirtoaca (29

ans), est également un parfait francophone et entend développer le jumelage que sa ville

entretient avec Grenoble.

Les autorités moldaves entendent suivre le « modèle irlandais » de développement :

faible taux d’imposition, nombreuses facilités fiscales pour les investisseurs, impôt sur les

bénéfices à 15%, main d’œuvre qualifiée et peu chère, modernisation du secteur

bancaire… La République de Moldavie bénéficie en outre du Système Général des

Préférences de l’Union Européenne (« GSP+ ») : 9200 groupes de production sur 10200

possibles obtiennent le libre accès aux marchés de l`UE sans application de taxes de

douane.

Preuve de ce dynamisme francophone, la firme GPG, centre d’appels vers la

France, la Belgique et le Luxembourg, a déjà recruté plus d’une centaine de Moldaves

francophones en moins de deux ans d’existence.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

30

Une soixantaine d’entreprises françaises sont déjà implantées en Moldavie, dont

Lafarge (depuis 1999), Orange (depuis 1998) et la Société Générale, qui a racheté en 2007

la 4e banque nationale, Mobiasbanca. D’après Jean-Jacques Combarel, président du Centre

d’Affaires France – Moldavie (CAFM), société de consultance, l’agro-alimentaire et les

sociétés de service offrent des opportunités à saisir. « Les investisseurs le savent, il vaut

mieux investir assez tôt dans un pays à forte croissance pour assurer les positions et les

profits futurs… »

Entre 2001 à 2005, la croissance moldave n’est jamais descendue en dessous de

6,1% (2006 : 4%, estimation 2007 : 6%). De nouvelles dispositions fiscales relatives aux

Zones économiques libres – comme l’exemption d’impôts sur les bénéfices de 50%

pendant 5 ans pour les investissements de plus de 5 millions de dollars. En outre, les

compagnies IT et les employés de ces compagnies sont exemptés de l’impôt sur le revenu

pour une période de 5 années consécutives.

La République de Moldavie (qui était le principal fournisseur de vin (Viticulture en

Moldavie), de légumes et de fruits pour les anciennes républiques soviétiques) est devenue

après la chute de l'URSS en 1991 un des pays les plus pauvres d'Europe.

La perte de certains marchés traditionnels, la dépendance énergétique au gaz russe,

et la sécession de la « république » autoproclamée Pridniestréenne dite Transnistrie, ont

provoqué la chute dramatique du PIB qui est en 2006 inférieur à celui du Bangladesh, et le

plus bas d'Europe, malgré une forte croissance économique (plus de 8 % en 2005 depuis

l'an 2000). Pour l'année 2008 il est estimé une croissance économique de 8,1 %. Le

gouvernement moldave assure un salaire minimum de 58 €, le salaire moyen pour le mois

de mai 2008 était de 150 € et de 260 € à Chișinău.

L'économie souterraine est évaluée à près de 40 % du PIB. L'inflation oscille entre

12 % et 15 % par an et le déficit commercial est important (financé en partie par les

transferts d'argent des Moldaves qui travaillent à l'étranger).

L'industrie, qui utilise l'énergie des centrales hydrauliques aménagées dans le pays,

se concentre essentiellement dans quelques villes, en particulier Chișinău, la capitale, et

Tiraspol. Il s'agit d'industries de transformation : conserveries, laiteries, textiles, travail du

bois et des métaux.

Ayant perdu en août 1940 les quatre ports de la Bessarabie : Reni, Izmail,

Chilia/Kiliya et Cetatea Albă/Bilhorod-Dnistrovskyi rattachés à l'Ukraine, la République

de Moldavie est une enclave, au sens économique du terme. Un échange territorial avec

l'Ukraine n'ayant pu être mis en application en raison de l'incertitude du statut d'un

territoire à échanger (le hameau de Mîndrești), la Moldavie n'a pu recouvrer ni acquérir les

1 500 mètres de rivage danubien nécessaires à l'achèvement du port de Giurgiulești, par

ailleurs contesté en raison de la facilité d'accès de la Moldavie aux ports roumains ou

ukrainiens directement reliés à son réseau routier et ferroviaire. Le rivage moldave sur le

Danube a une longueur de 340 m.

Parmi les importants investisseurs français, il faut souligner quatre grands groupes

français. Le groupe Lafarge Ciment possède la plus grosse usine de ciment en Moldavie et

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

31

fournit 75% des besoins en ciment du pays. En 2007, la Société générale a fait l’acquisition

de Mobiasbanca20, cinquième banque du pays. Dans le secteur agroalimentaire, le Groupe

Lactalis, qui a commencé à investir en 2005, possède une laiterie et deux fromageries21.

Le groupe emploie environ 1400 personnes et produit des fromages pour le marché

moldave ainsi que pour l’exportation vers la Russie et l'Ukraine. Enfin, dans le secteur des

télécommunications, la filiale d’Orange en Moldavie22 est leader de la téléphonie mobile

du pays avec une part de marché d’environ 65 %23.

Il est à noter qu’outre ces investissements conséquents, il existe aussi d'autres

investissements français comme la société Bargues Agro-Industrie qui, à travers sa filiale

locale Nucile Si Natura24, conditionne des cerneaux de noix pour l’exportation. Il y a aussi

quelques PME dans le secteur des services. Par ailleurs, quelques représentations

d’entreprises françaises sont aussi présentes en Moldavie (Alcatel, Pernod-Ricard, Areva).

Le stock d’IDE présents en Moldavie est de 1,8 Mds USD au 1er janvier 2008. Les

flux sont croissants ces dernières années et 2007 a été une année record avec 532 MUSD

d’IDE réalisés dans le pays. Il s’agit ainsi d’une augmentation de près de 50% par rapport à

2006 où le flux avait été de 370 MUSD.

Début 2008 étaient enregistrées en Moldavie 6300 sociétés possédant des capitaux

étrangers. Parmi ces dernières, on dénombrait beaucoup de PME attirées par la proximité

de l’Europe et le faible coût de la main d’œuvre (exemple des PME italiennes dans le

textile, le cuir, les meubles). Mais nombreux sont aussi les grands groupes qui ont investi

dans le pays pour répondre aux besoins du marché local. On peut notamment citer les

investissements importants d’Union Fenosa (Espagne) dans le secteur de l’électricité, de

Veneto Banca (Italie) dans le secteur bancaire, de Metro Groupe A.G (Allemagne) dans le

secteur de la distribution. Le stock d’IDE est ainsi assez diversifié : le secteur du

commerce de gros et de détail concentre 27% des IDE, les industries de transformation

23%, les secteurs de l’énergie, du gaz et de l’eau 15%, le secteur bancaire 14%, le secteur

immobilier 11%, les secteurs des transports et des communications 10%.

Les privatisations intéressent notamment les investisseurs mais dans certains

secteurs attractifs comme l’énergie, le secteur bancaire, les télécommunications ou le

secteur agro-alimentaire, les reports sont nombreux et continus. Alors que d’importantes

privatisations étaient prévues en 2007, le plan annuel n’a finalement attiré que 16,7 MUSD

au budget. Deux importantes privatisations, plusieurs fois repoussées, devraient avoir lieu

prochainement. Il s’agit des privatisations de la Banca de Economii (prévue pour début

2009), la dernière banque majoritairement détenue par l’Etat qui intéresserait notamment la

BNP et HSBC, et la privatisation de l’entreprise nationale de télécommunication

Moldtelecom (prévue pour 2009).

Les investissements français ont très fortement augmenté en 2007

Le stock d’IDE français qui était d’environ 88 MUSD (66 M€) au 1er janvier 2007

est passé à environ 175 MUSD (121 M€) au 1er janvier 2008. En 2007, en effet, la

Moldavie a reçu environ 85 MUSD (61 M€) d’IDE en provenance de France, soit environ

l’équivalent du stock d’IDE français qui existait jusqu’alors en Moldavie. L’augmentation

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

32

du flux d’IDE est nette après les 28 MUSD (21 M€) de 2006 et les 24 MUSD (19 M€) de

2005 et la France est un des tout premiers investisseurs dans le pays.

Parmi les importants investisseurs français, il faut souligner quatre grands groupes

français. Le groupe Lafarge Ciment possède la plus grosse usine de ciment en Moldavie et

fournit 75% des besoins en ciment du pays. Le groupe pourrait investir 200 M€ pour la

construction d’une seconde ligne de production prochainement. Au cours de l’année 2007,

la Société générale a fait l’acquisition de Mobiasbanca, cinquième banque du pays. SG a

tout d’abord acquis 70,57 % du capital pour un montant d’environ 24 MUSD (18,3 M€)

puis elle augmenté sa participation à 95,35% du capital au travers d’une OPA sur les

actionnaires minoritaires. Dans le secteur agroalimentaire, le Groupe Lactalis, qui a

commencé à investir en 2005, possède une laiterie et deux fromageries. Le groupe emploie

environ 1400 personnes et produit des fromages pour le marché moldave ainsi que pour

l’exportation vers la Russie et l'Ukraine. Enfin, dans le secteur des télécommunications, la

filiale d’Orange en Moldavie est leader de la téléphonie mobile du pays avec une part de

marché d’environ 65 %. Le groupe a investi 50 MUSD en 2007 et devrait réinvestir 70

MUSD en 2008.

Il est à noter qu’outre ces investissements conséquents, il existe aussi des

investissements français de moindre importance comme la société Bargues Agro-Industrie

qui, à travers sa filiale locale Nucile Si Natura, conditionne des cerneaux de noix pour

l’exportation. Il y a aussi quelques PME-PMI dans le secteur des services (call-centers).

Par ailleurs, quelques représentations d’entreprises françaises sont aussi présentes en

Moldavie (Alcatel, Pernod-Ricard, Areva).

Le flux d’IDE croît en Moldavie, les investisseurs réalisent des profits et n’hésitent

pas à réinvestir. Afin de renforcer son attractivité, le pays doit cependant continuer à

améliorer l’environnement économique et éviter notamment les interférences

bureaucratiques et politiques qui découragent de nombreux investisseurs potentiels. La

capacité à attirer des IDE est fondamentale pour le renforcement et la diversification de

l’économie moldave.

Relations économiques multilatérales de la Moldavie en 2007

FMI

Le FMI a approuvé en juillet dernier la 2ème revue de la FRPC, qui a permis un

2ème versement de 21,7 M DTS (environ 33,1 MUSD). Pour mémoire, cette FRPC a été

adoptée en mai 2006 pour un montant de initial de 118,2 MUSD (80 MDTS), qui a été

porté par le FMI en décembre 2006 à 167 MUSD soit 90 % du quota, pour faire face au

double choc externe, en insistant sur l’importance de la flexibilité de taux de change, seule

à même de résorber les chocs exogènes.

Club de Paris

Les créanciers du Club de Paris ont conclu le 12 mai 2006 avec le gouvernement

Moldave un accord de rééchelonnement de sa dette publique extérieure. Cet accord fait

suite à l’accord obtenu avec le FMI. Il rééchelonne environ 150 MUSD de prêts contractés

par la Moldavie avant le 31 décembre 2000. Ce montant correspond aux arriérés (68

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

33

MUSD, y compris les intérêts de retard) dus au 30 avril 2006 ainsi qu'aux échéances dues

entre le 1er mai 2006 et le 31 décembre 2008 (81,8 MUSD).Le rééchelonnement des

échéances et de 30 % des arriérés sera effectué selon les « Termes de Houston »: les crédits

d’APD sont remboursés sur 20 ans dont 10 de grâce, à un taux au moins aussi favorable

que les taux concessionnels des crédits initiaux ; les crédits commerciaux sont remboursés

selon un profil progressif sur 15 ans dont 5 de grâce au Taux Approprié du Marché. 70 %

des arriérés restants seront payés sur 3 ans. Cet accord réduit le service de la dette due aux

créanciers du Club de Paris durant le programme soutenu par le FMI de 149,9 MUSD à

60,8 MUSD (qui correspondent principalement aux paiements des intérêts sur le

rééchelonnement et aux paiements d'arriérés).

Banque Mondiale

En l'absence de progrès dans les réformes structurelles, le programme de la Banque

Mondiale avait expiré en novembre 2003 avec seulement 2/3 décaissés. Fin 2004, une

stratégie d’assistance pays a été approuvée (2004-08) et fin 2006, l’évaluation à mi-

parcours a conduit la BM à proposer un crédit de soutien à la réduction de la pauvreté de

10 MUSD, en coordination avec la FRPC du FMI et le plan d’action UE-Moldavie.

Union Européenne

L'Union Européenne développe ses relations avec la Moldavie dans le cadre de la «

politique européenne de voisinage » (PEV). Le programme 2007-2010 s’élève à 210 M€.

Un plan d’action UE-Moldavie (42 MEUR) a été lancé en février 2006. Par ailleurs, la

Moldavie a bénéficié en mars 2007 de 45 M€ de dons au titre de l’accord AMF (aide

macro-financière), pour faire face aux difficultés sur sa balance des paiements.

BERD

La BERD a adoptée la nouvelle stratégie pays au conseil du 4 septembre dernier.

Au 1er avril 2007, la BERD a investi 214,7 M€ au total sur 57 projets, dont 60 % dans le

secteur privé.

OMC

La Moldavie est devenue membre de l'OMC le 26 juillet 2001.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

34

3. La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

3.1 Principes juridiques et moyens d’action en matière de protection les

savoirs faire traditionnels en Moldavie (même que la politique

économique et législative de l'UE)

La diversité des systèmes actuels de protection des savoirs traditionnels, des modes

d’acquisition de ces savoirs, des besoins, du patrimoine juridique et des structures sociales

des détenteurs de savoirs traditionnels supposent une certaine souplesse d’action au niveau

national pour assurer le respect des principes et objectifs convenus. Les mesures

sui generis existantes sont l’expression d’objectifs et principes généraux similaires, bien

que les choix spécifiques qui ont été faits pour les concrétiser dans une législation détaillée

soient déjà divers et variés. Lorsque la Moldavie élabore une liste d’options juridiques et

stratégiques pour obtenir la souplesse recherchée en s’inspirant de façon sélective de

principes juridiques généraux de manière à adapter le mode de protection aux besoins

spécifiques, aux savoirs traditionnels et au système juridique d’un pays donné. Une

méthode similaire est appliquée dans d’autres branches du droit de la propriété

intellectuelle. Les instruments existants en matière de propriété intellectuelle permettent

une certaine souplesse quant au mode de protection proposé au niveau national. Cela

s’applique en particulier à certaines formes de protection sui generis prévues dans le cadre

d’instruments internationaux, qui peuvent être mises en œuvre au moyen de lois de

propriété intellectuelle élaborées dans un but précis, ou encore des lois de propriété

intellectuelle en vigueur ou de lois relevant d’autres domaines du droit.

En ce qui concerne la protection sui generis des schémas de configuration de

circuits intégrés, le Traité de Washington sur la propriété intellectuelle en rapport avec les

circuits intégrés (1978) prévoit par exemple ce qui suit :

“Chaque Partie contractante est libre d’exécuter ses obligations en vertu du présent

traité au moyen d’une législation spéciale sur les schémas de configuration

(topographies), au moyen de sa législation sur le droit d’auteur, sur les brevets, sur

les modèles d’utilité, sur les dessins et modèles industriels ou sur la concurrence

déloyale, au moyen de n’importe quelle autre législation ou au moyen d’une

combinaison quelconque de ces législations.”

De même, la convention sur les phonogrammes dispose que les moyens de sa mise

en œuvre “sont réservés à la législation nationale … et … comprendront l’un ou plusieurs

des moyens suivants : la protection par l’octroi d’un droit d’auteur ou d’un autre droit

spécifique”, “la législation relative à la concurrence déloyale”, ou “des sanctions pénales”.

Une certaine souplesse peut aussi être nécessaire au niveau du droit national dans la

Moldavie pour déterminer l’identité des titulaires de droits et vérifier leur personnalité

juridique ou leur droit d’agir, les bénéficiaires de la protection des savoirs traditionnels, la

nature des avantages accordés et les moyens d’administrer le partage des avantages, bien

que cela relève peut-être de principes généraux.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

35

Conformément à des précédents notoires dans le domaine de la propriété

intellectuelle, et sans préjudice de la diversité des mesures existant en matière de protection

des savoirs traditionnels dans les différents systèmes nationaux, la présente section énonce

quatre principes fondamentaux qui ont été utilisés comme moyens d’action pour la

protection des savoirs traditionnels en droit national.

Ces principes ne sont pas incompatibles mais complémentaires. Le comité n’est

donc pas tenu de choisir tel ou tel d’entre eux; il peut au contraire les combiner librement

compte tenu de ses besoins, priorités et objectifs. Ces principes ont été combinés de

plusieurs manières par les législateurs nationaux pour offrir des modes de protection

juridique adéquats et spécialement adaptés. Ainsi, une combinaison sélective de ces

principes juridiques pourrait constituer un cadre de protection des savoirs traditionnels

suffisamment souple. Cela favoriserait la diversification des options juridiques et

stratégiques pouvant correspondre à différents systèmes juridiques nationaux et

l’élaboration d’ensembles de mesures suffisamment modulables pour offrir une protection

spécialement adaptée aux différents types de savoirs traditionnels.

L’élaboration d’un ensemble de mesures de protection plus ou moins

contraignantes peut être nécessaire car différents types de savoirs traditionnels peuvent

nécessiter différentes formes de protection. Une liste annotée d’options de politique

générale inspirée de diverses sources pourrait faciliter l’élaboration d’une “approche

globale” en matière de protection des savoirs traditionnels, comme cela a été souligné dans

les sections précédentes. Les grands principes qui ont été appliqués dans les systèmes de

protection en vigueur dans la Moldavie sont les suivants :

a) reconnaissance de droits de propriété intellectuelle exclusifs sur les savoirs

traditionnels : création de droits de propriété conférant le droit d’interdire aux tiers

certaines utilisations des savoirs traditionnels protégés. Ces droits peuvent être détenus au

niveau communautaire ou collectivement. Généralement, y compris dans les systèmes

sui generis en vigueur, cela suppose la protection de certains aspects des savoirs

traditionnels qui peuvent faire l’objet d’une appropriation illicite plutôt qu’une équivalence

directe concernant tous les aspects des savoirs traditionnels dans leur contexte habituel.

Cette approche peut reposer sur les éléments suivants :

application de droits de propriété intellectuelle existants;

formes modifiées, adaptées ou élargies de droits de propriété

intellectuelle classiques;

mesures sui generis conférant des droits de propriété exclusifs

récemment définis;

b) application du principe du consentement préalable éclairé : cette approche

confère aux détenteurs de savoirs traditionnels le droit d’accorder ou non leur

consentement préalable éclairé pour l’utilisation, la reproduction ou l’exploitation

commerciale de leurs savoirs traditionnels et prévoit la conclusion d’arrangements relatifs

au partage des avantages comme condition d’accès. Les mesures d’application du principe

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

36

du consentement préalable éclairé aux savoirs traditionnels font souvent partie d’un régime

de réglementation de l’accès aux ressources génétiques ou biologiques.

c) approche fondée sur la responsabilité compensatoire : systèmes prévoyant

une forme quelconque de rémunération ou de compensation équitable pour les détenteurs

de savoirs traditionnels en contrepartie de l’utilisation de leurs savoirs, sans créer de droits

de propriété exclusifs sur les savoirs traditionnels. Cette solution a été retenue dans

certains systèmes nationaux de droit d’auteur et de droits connexes comme les accords de

licence obligatoire pour certaines utilisations publiques d’œuvres musicales. Un régime de

responsabilité compensatoire pour la protection des savoirs traditionnels est prévu dans la

loi sui generis du Pérou, “dans les cas où ces savoirs sont entrés dans le domaine public au

cours des 20 dernières années”, auquel cas une somme est affectée à un fonds commun, sur

la base d’“un pourcentage du chiffre d’affaires brut avant impôt réalisé grâce à la

commercialisation de produits mis au point à partir de ces savoirs collectifs”.

d) approche fondée sur la concurrence déloyale : élimination de la

concurrence déloyale et des pratiques commerciales fallacieuses ou trompeuses grâce à

l’application d’un ensemble de principes tels que la véracité de la publicité, la protection

de la confidentialité, la lutte contre l’enrichissement sans cause et la substitution de

produits.

e) reconnaissance du droit coutumier : pour les communautés autochtones et

locales, la reconnaissance et la protection des savoirs traditionnels trouvent souvent leur

origine dans les lois et protocoles coutumiers qui régissent la façon dont les savoirs sont

créés, conservés et transmis au sein de la communauté, et il a été demandé que la

protection des savoirs traditionnels soit davantage fondée sur le respect de ces lois

coutumières. Plusieurs mesures sui generis, ainsi que le droit conventionnel de la propriété

intellectuelle, ont tenu compte d’éléments de droit coutumier dans un cadre de protection

plus large.

Ces différentes solutions se recoupent très largement et leurs limites sont

imprécises pur les besoins de la Moldavie. Cependant, elles illustrent utilement les

principales options générales qui ont été retenues. La plupart des systèmes sui generis

existants associent au moins deux de ces principes juridiques. Par exemple, certaines lois

sui generis sur la protection des savoirs traditionnels réglementent l’accès et le partage des

avantages pour une large gamme de savoirs traditionnels et prévoient aussi la

reconnaissance de droits exclusifs sur un ensemble plus restreint de savoirs. Un régime de

responsabilité obligatoire ou un régime fondé sur le principe du consentement préalable

éclairé (fixant le montant de la rémunération due au titre de l’utilisation des savoirs

traditionnels protégés) pourrait être associé au droit d’exclure les utilisations

culturellement choquantes ou dégradantes. Le droit coutumier pourrait être appliqué

parallèlement à certains des autres principes pour régler les questions relatives à la

propriété, au partage des avantages au sein de la communauté, à la nature et à l’importance

des dommages-intérêts et autres mesures de réparation, et aux modes de règlement des

litiges.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

37

Les paragraphes ci-après apporteront des précisions au sujet de chacun de ces

moyens d’action et les situeront dans le cadre d’une approche globale de la protection des

savoirs traditionnels en faisant ressortir leurs avantages et leurs inconvénients. Au cas où

le comité adopterait le principe fondamental d’une approche globale et générale, ces

précisions permettraient de définir les principaux moyens d’action qu’il pourrait souhaiter

utiliser pour élaborer les mesures de protection susceptibles d’être recommandées.

3.1.1 Reconnaissance de droits exclusifs sur les savoirs traditionnels en

Moldavie

La reconnaissance et l’exercice de droits de propriété exclusifs sur l’objet protégé

sont des éléments fondamentaux de nombreux systèmes de propriété intellectuelle et

offrent une solution adaptée aux savoirs traditionnels suffisamment distincts, dont le

détenteur ou le dépositaire est clairement identifié, même si cela suppose la reconnaissance

de droits détenus au niveau communautaire ou collectivement.

Les droits de propriété exclusifs sur des éléments de savoirs traditionnels

susceptibles d’être protégés peuvent être mis en œuvre sous la forme

de droits classiques de propriété intellectuelle;

de droits de propriété intellectuelle modifiés;

de nouveaux droits sui generis créés pour répondre aux caractéristiques des savoirs

traditionnels et aux intérêts des détenteurs de ces savoirs. Il s’agit du mécanisme le

plus souvent utilisé dans le cadre des grandes orientations et de la législation en

matière de propriété intellectuelle, qui est commun à la plupart des modes de

protection de la propriété intellectuelle, bien que d’autres mécanismes associés (droit

moral, droit à une rémunération équitable ou autre compensation, droit d’agir en

qualité de partie lésée contre des actes de concurrence déloyale et des délits similaires)

relèvent aussi, dans une plus large perspective, du système de la propriété

intellectuelle.

Application des droits de propriété intellectuelle classiques

Bien que les limites des lois en vigueur en matière de propriété intellectuelle aient

été largement mises en évidence dans le cadre du débat sur les savoirs traditionnels, des

mécanismes classiques en matière de propriété intellectuelle ont permis en pratique de

protéger les savoirs traditionnels et les ressources génétiques associées. Il existe de

nombreux exemples probants de recours aux droits de propriété intellectuelle existants

pour protéger les savoirs traditionnels contre l’utilisation illicite, l’appropriation illicite et

le parasitisme commercial, y compris par les lois sur les brevets, les marques, les

indications géographiques, les dessins et modèles industriels et les secrets d’affaires1.

Certaines modifications du droit de la propriété intellectuelle peuvent renforcer l’utilité de

celui-ci dans le domaine de la protection des savoirs traditionnels. Par exemple, certains se

sont inquiétés du fait que les détenteurs de savoirs traditionnels peuvent difficilement tirer

parti des avantages du système de la propriété intellectuelle, en raison des coûts liés à

1 Etude des modes d’application des droits de propriété intellectuelle à la protection des

savoirs traditionnels dans La Moldavie.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

38

l’acquisition, au maintien en vigueur et à l’exercice des droits de propriété intellectuelle.

Le comité a examiné un certain nombre d’améliorations visant à offrir aux détenteurs de

savoirs traditionnels un meilleur accès aux systèmes de propriété intellectuelle actuels.

Parmi ces améliorations figurent l’évolution juridique (y compris la reconnaissance de la

personnalité juridique des communautés traditionnelles, la modification des règles relatives

à la charge de la preuve, la modification de la portée de l’état de la technique aux fins de

l’examen des demandes de brevet portant sur des savoirs traditionnels, le réexamen de

l’application de la notion de “personne du métier” dans l’évaluation de l’activité inventive2

et la reconnaissance du droit coutumier), le renforcement des capacités et l’instauration de

mécanismes appropriés de règlement des litiges.

Les droits de propriété intellectuelle existants ont été utilisés de plusieurs façons,

qui sont exposées ci-dessous, pour protéger les savoirs traditionnels et les objets y

relatifs3 :

indications géographiques ou marques collectives ou de certification : ces

formes de propriété intellectuelle ont été utilisées pour protéger les produits fabriqués à

l’aide de technologies traditionnelles, y compris les produits qui sont plus particulièrement

associés à une région ou une communauté donnée (par exemple, le Viet Nam crée des

indications géographiques pour protéger les produits alimentaires traditionnels de type

“pickles”, qui sont associés à une région particulière);

lois relatives à la concurrence déloyale et aux pratiques commerciales : ces lois

ont été utilisées pour permettre de sanctionner les allégations mensongères d’authenticité

ou d’autres allégations faisant valoir qu’un produit est créé par une communauté

traditionnelle particulière ou associé à cette communauté;

droits attachés aux brevets : le système des brevets a été utilisé par des

spécialistes de la médecine traditionnelle pour protéger leurs innovations (par exemple, la

Chine a délivré 4479 brevets dans le domaine de la médecine traditionnelle chinoise en

2002), et des systèmes ont été mis au point pour garantir que des droits de brevet

illégitimes ne soient pas accordés sur des éléments de savoirs traditionnels qui ne sont pas

nouveaux;

droits attachés aux marques : des signes distinctifs, des symboles et des termes

associés aux savoirs traditionnels ont été protégés en tant que marques et contre les

prétentions de tiers invoquant des droits attachés à des marques (par exemple, l’artiste

autochtone qui a créé le logo du Festival culturel aborigène Kyana l’a fait enregistrer4);

droit d’auteur et droits connexes : bien qu’ils portent exclusivement sur la

forme d’expression des savoirs traditionnels et non sur les idées ou le contenu, le droit

2 Voir la communication du groupe en Moldavie dans le document WIPO/GRTKF.

3 ARIPO Communauté européenne.

4 Voir L’étude international de Moldavie, page 13, “Use of Trade Marks to protect Traditional

Culturel Expressions” (Utilisation des marques pour protéger les expressions culturelles

traditionnelles,) dans Minding Culture: Case-Studies on Intellectual Property and

Traditional Cultural Expressions (Le respect de la culture : études de cas sur la propriété)

intellectuelle et les expressions culturelles traditionnelles). Voir le document

WIPO/GRTKF/STUDY/2.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

39

d’auteur et les droits connexes ont été utiles pour protéger les savoirs traditionnels fixés, ou

pour offrir une protection contre l’enregistrement illicite des savoirs traditionnels, par

exemple lorsqu’ils peuvent être transmis par le biais de l’interprétation d’un chant, d’une

chanson ou d’un récit traditionnel (le document WIPO/GRTKF/IC/6/3 porte sur les options

juridiques et de politique générale en matière de protection des expressions culturelles

traditionnelles);

règles relatives à la confidentialité et secrets d’affaires : les savoirs

traditionnels non divulgués, y compris les savoirs traditionnels secrets et sacrés, ont été

protégés en tant qu’informations confidentielles ou non divulguées, et des

dédommagements ont été accordés en cas de divulgation d’informations confidentielles

constituant une infraction en droit coutumier.

Dans le cadre de ses travaux passés, le comité a élaboré des moyens permettant

d’offrir aux détenteurs de savoirs traditionnels un meilleur accès aux systèmes de

droits de propriété intellectuelle en vigueur. Les modes d’amélioration des systèmes

de propriété intellectuelle existants eu égard aux intérêts des détenteurs de savoirs

traditionnels peuvent notamment consister à5 :

préciser l’identité et le statut juridiques des détenteurs de savoirs traditionnels

en tant que titulaires de droits de propriété intellectuelle à titre individuel ou au

niveau de la communauté;

appliquer des principes établis tels que la protection de l’ordre public et de la

moralité de façon à répondre aux préoccupations concernant les atteintes aux

communautés autochtones et locales;

préciser le statut des savoirs traditionnels préexistants en tant qu’éléments de

l’état de la technique et objets non brevetables pour garantir que les tiers ne

puissent pas obtenir de brevets valables sur ces savoirs traditionnels;

tenir compte des intérêts de la communauté et des considérations de droit

coutumier dans la détermination des sanctions, telles que les

dommages-intérêts complémentaires pour atteinte d’ordre culturel, dans le

cadre de l’application des droits de propriété intellectuelle;

tenir compte des intérêts de la communauté et des considérations de droit

coutumier en reconnaissant aux communautés traditionnelles la faculté de se

prévaloir d’un droit au titre de l’“equity” sur une œuvre protégée;

concevoir d’autres mécanismes de règlement des litiges spécialement adaptés

pour offrir aux détenteurs de savoirs traditionnels des moyens de recours

appropriés et accessibles.

5 Voir ARIPO, la Communauté européenne et ses États membres (GRTKF/IC/3/16, page 3),

Moldavie (GRTKF/IC/5/15, par. 14)

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

40

Application de droits sui generis exclusifs

Cependant, selon certaines communautés et certains pays, ces adaptations des

systèmes de droits de propriété intellectuelle en vigueur ne sont peut-être pas suffisantes

pour permettre de tenir compte du caractère global et unique des savoirs traditionnels6. La

demande en faveur de mesures sui generis découle généralement des lacunes des droits de

propriété intellectuelle classiques. Les enquêtes sur les expériences nationales relatives à

la protection des savoirs traditionnels par la propriété intellectuelle ont fait ressortir les

points ci-après, qui pourraient être pris en considération dans le cadre de l’élaboration de

mesures sui generis :

difficulté à satisfaire des exigences telles que les critères de nouveauté ou

d’originalité, l’activité inventive ou la non-évidence (cela tient peut-être, à tout le moins en

partie, au fait que les savoirs traditionnels remontent souvent à une époque antérieure à

celle de la création des systèmes conventionnels de propriété intellectuelle, ou au fait qu’ils

sont développés de façon plus diffuse, cumulative et collective, de sorte qu’il est difficile

de dater une invention ou d’établir la paternité des éléments en question);

obligation dans nombre de textes législatifs sur la propriété intellectuelle de

fixer l’objet protégé sur un support matériel (étant donné que les savoirs traditionnels sont

souvent préservés et transmis par voie orale ou sous d’autres formes non matérielles);

le caractère informel de la plupart des savoirs traditionnels et les règles et

les protocoles relevant du droit coutumier qui définissent à qui appartiennent ces savoirs ou

expressions (ou qui en est le dépositaire ou le gardien) sur lesquels reposent les

revendications d’affinité et la responsabilité des communautés;

le fait que les systèmes de protection devraient également viser à préserver

et à perpétuer les savoirs traditionnels et pas simplement à fournir des moyens d’empêcher

les tiers de les utiliser de manière illicite ou de leur interdire de le faire (fonction

caractéristique des droits de propriété intellectuelle);

antagonisme entre les notions individualistes associées aux droits de

propriété intellectuelle (auteur ou inventeur unique) et le caractère collectif de l’origine, de

la préservation et de la gestion des savoirs traditionnels (qui rend souvent difficile

l’identification de l’auteur, de l’inventeur ou du créateur auquel fait appel le droit de la

propriété intellectuelle); et

restrictions relatives à la durée de la protection octroyée par les systèmes de

propriété intellectuelle (les requêtes en faveur d’une meilleure reconnaissance des savoirs

traditionnels mettent souvent en évidence l’insuffisance des délais de protection

relativement courts octroyés dans le cadre des systèmes conventionnels de propriété

intellectuelle, dans la mesure où la nécessité de protéger les savoirs traditionnels perdure

au-delà de la durée de vie d’un individu).

6 Ce point de vue a notamment été exprimé par Université des Nations Unies (Pays references

- Moldavie, p. 103).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

41

En pratique, certaines de ces lacunes ont en fait été surmontées dans le cadre du

système de propriété intellectuelle classique (par exemple en prévoyant des droits détenus

au niveau communautaire sur des savoirs traditionnels). Malgré tout, ces facteurs ont

conduit les décideurs d’un certain nombre de pays à penser que des mesures sui generis

devraient être envisagées. La section IV comporte une analyse des éléments essentiels des

mesures sui generis qui devraient être pris en considération dans l’élaboration d’un

système national ou d’un modèle de protection convenu. Dans les cas où l’octroi de droits

de propriété exclusifs (qu’il s’agisse de droits de propriété intellectuelle classiques ou de

droits sui generis exclusifs) n’est peut-être pas approprié, les trois autres moyens d’action

en matière de protection des savoirs traditionnels peuvent être envisagés, à savoir le

principe du consentement préalable éclairé, les règles relatives à la responsabilité et la

législation sur la concurrence déloyale. S’il est décidé de créer un droit exclusif

indépendant sur les savoirs traditionnels en tant que tels, ce droit devrait être détenu et

exercé par la communauté, en rapport avec un objet bien défini, et permettre d’engager une

action en justice pour interdire certaines utilisations déterminées des savoirs traditionnels

protégés par des tiers.

3.1.2 Les savoirs traditionnels et le consentement préalable éclairé en Moldavie

La réglementation applicable aux savoirs traditionnels est souvent liée à celle de

l’accès au matériel biologique tangible et du partage des avantages. En application de ces

régimes, l’accès aux savoirs traditionnels ou d’autres actes s’y rapportant peut être

subordonné au consentement préalable éclairé des détenteurs de ces savoirs, et des

contrats, licences ou accords peuvent déterminer les modalités de partage des avantages

découlant de l’utilisation des savoirs traditionnels. L’application du principe du

consentement préalable éclairé aux savoirs traditionnels permet de contrôler l’utilisation de

ces savoirs par les tiers et d’assurer un ensemble d’avantages à leurs détenteurs par voie

réglementaire, de manière compatible avec la nature collective des savoirs traditionnels.

De nombreux membres du comité ont par conséquent intégré le consentement préalable

éclairé dans leurs mesures de protection des savoirs traditionnels ou dans leurs déclarations

de politique générale. Le consentement préalable éclairé peut être donné par une autorité

nationale compétente7; il peut dépendre du consentement de la communauté

autochtone/locale ou du détenteur des savoirs traditionnels8. Les conditions d’octroi du

consentement préalable éclairé peuvent différer en fonction de l’utilisation envisagée des

savoirs traditionnels. L’accès régulier aux savoirs traditionnels en vue d’un usage

coutumier peut être expressément soustrait à l’obligation du consentement préalable

éclairé.

7 Voir Mesure provisoire de Moldavie., l’art. 62 de la loi sur la biodiversité.

8 Voir la législation moldave pour la protection des droits des communautés locales, des

agriculteurs et des obtenteurs (2000), la mesure provisoire moldave réglementant l’accès au

patrimoine génétique, la protection des savoirs traditionnels associés et l’accès à ces savoirs,

la loi n° 118 de 2002.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

42

3.1.3 Régimes de responsabilité compensatoires en Moldavie

Il a aussi été proposé d’élaborer des législations sur l’innovation liée aux savoirs

traditionnels, fondées sur des principes de responsabilité modifiés. Ces législations

reconnaîtraient aux détenteurs de savoirs traditionnels le droit à des indemnités

compensatoires de la part des utilisateurs de ces savoirs qui empruntent le savoir-faire

traditionnel pour des applications industrielles qui leur sont propres, pendant une période

déterminée. Certains régimes sui generis font appel à des règles comparables pour

indemniser les détenteurs de savoirs traditionnels des frais de conservation et de mise en

valeur de certains éléments de ces savoirs engagés par les communautés, sans reconnaître

toutefois aucun droit de propriété exclusive permettant de contrôler ces utilisations9. Des

législations de ce type permettraient une répartition équitable des avantages sans pour

autant exiger l’accès inconditionnel au savoir-faire, et éviteraient la dispersion ou le

fractionnement des savoirs traditionnels communautaires en éléments de plus en plus

morcelés, retirés du patrimoine intellectuel propre à la communauté détentrice par la

reconnaissance de droits privatifs. Le risque de voir un ensemble de droits exclusifs sur

des savoirs traditionnels préexistants se superposer aux règles coutumières

communautaires et ainsi s’opposer à la transmission et à la conservation collective, est

parfois considéré comme préoccupant. La solution du versement d’indemnités a aussi été

retenue dans certains cas où les savoirs traditionnels avaient déjà été publiés et rendus

publics depuis un certain temps, afin d’assurer un juste équilibre entre le partage équitable

des avantages et l’utilisation antérieure de savoirs traditionnels entreprise de bonne foi10

.

3.1.4. Répression de la concurrence déloyale

Bien que la répression de la concurrence déloyale soit reconnue depuis 1900

comme un élément de la protection de la propriété industrielle en vertu de la Convention

de Paris11

, elle ne confère au titulaire aucun droit exclusif sur des biens incorporels. La

législation sur la concurrence déloyale, au sens le plus large du terme, offre de nombreux

moyens de recours, dont la répression des pratiques commerciales fallacieuses et

trompeuses, de l’enrichissement sans cause, de la substitution de produits et des avantages

commerciaux injustifiés. Le droit de la concurrence déloyale peut avoir une très large

portée et a été retenu dans divers instruments internationaux comme moyen éventuel de

protection des schémas de configuration de circuits intégrés, des indications

géographiques, des renseignements non divulgués et des données expérimentales ainsi que

des phonogrammes; en pratique, il est aussi associé à la protection des marques,

notamment lorsque celles-ci ne sont pas enregistrées. Comme dans d’autres systèmes de

9 Voir la loi moldave n° 27 811 du 10 août 2002.

10 Voir GRULAC (OMPI, annexe I, page 2).

11 Voir l’art.1.2 et l’art. 10 bis de la Convention International de Paris.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

43

propriété industrielle, il a donc été analysé et utilisé comme moyen de protection

sui generis des savoirs traditionnels12

, s’ajoutant à la reconnaissance de droits exclusifs et à

l’application du principe du consentement préalable éclairé dans ce domaine. Tel est le cas

par exemple de plusieurs mesures sui generis qui reposent sur le principe de la véracité de

la publicité pour la commercialisation de produits d’artisanat indigènes13

. Les tribunaux

ont aussi appliqué la législation générale sur la concurrence déloyale.

Lois et protocoles coutumiers moldave

Par rapport à chacun de ces éventuels moyens d’action, il convient d’accorder une

attention particulière à la reconnaissance des lois et protocoles coutumiers, qui recoupent

dans chaque cas les systèmes juridiques locaux14

. Un certain nombre de systèmes

sui generis existants renvoient aux lois et protocoles coutumiers comme solution pouvant

se substituer à la création de droits de propriété intellectuelle modernes sur les savoirs

traditionnels ou la compléter. Par exemple, la loi type africaine et les lois sui generis du

Pérou et des Philippines incorporent par renvoi certains éléments du droit coutumier dans

la protection sui generis des savoirs traditionnels. Le lien entre les lois sui generis

modernes et le droit coutumier repose sur un ensemble de principes allant de celui de

l’indépendance des droits conférés par les systèmes modernes et traditionnels (Pérou) à

celui de la protection par l’État des droits prévus dans la législation sui generis moderne qui

sont “consacrés et protégés en vertu du droit coutumier des communautés locales et

autochtones intéressées, qu’ils soient ou non consignés par écrit” (législation type africaine).

Sur le fond, le champ d’application du droit coutumier va de l’obtention du consentement

préalable éclairé pour l’accès aux savoirs traditionnels “conformément au droit coutumier”

(Philippines) au règlement des litiges opposant les peuples autochtones quant à la mise en

œuvre de la protection des savoirs traditionnels (Pérou), en passant par le recensement,

l’interprétation et la reconnaissance des “savoirs ou techniques communautaires en vertu du

droit coutumier” (loi type africaine).

Bien que le droit coutumier et la protection des savoirs traditionnels aient donné

lieu à de longs débats d’orientation politique, la mention expresse du droit coutumier dans

les législations sui generis existantes est jusqu’à présent restée relativement limitée. Dans

la plupart des cas, ces législations ne font pas directement état du droit coutumier, bien que

la reconnaissance de ce droit puisse être importante pour leur mise en œuvre concrète.

Un cadre général de protection des savoirs traditionnels pourrait englober les

objectifs et principes fondamentaux de la protection, ainsi que les principes juridiques sur

lesquels elle doit reposer, et préciser les aspects particuliers des savoirs traditionnels à

protéger. Dans ces conditions, il serait possible d’adapter les éléments des mesures de

protection juridique afin de mieux répondre à ces objectifs et d’appliquer plus précisément

ces principes. La section qui suit énonce succinctement les principaux éléments des

mesures sui generis de protection des savoirs traditionnels qui peuvent être retenues pour

instaurer cette protection globale mais néanmoins spécialement adaptée à ces savoirs.

12

Voir GRULAC (OMPI, annexe I, page 2). 13

Voir, la loi des Moldavie de 1999 sur l’art et l’artisanat. 14

Voir le document Indigenous Peoples’ Biodiversity Network (p. 136).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

44

3.2 Élements precis de protection dans la legislation de la Moldavie

applicables dans le future

La Moldavie et l'Union Européenne ont estimé que la spécificité et le caractère

global des savoirs traditionnels exigera une protection autre que celle qui découle des

droits de propriété intellectuelle classiques ou d’autres modes de protection (tels que la

réglementation de l’accès aux savoirs traditionnels et le droit des contrats)15

. Dans ces cas,

les pays ont opté pour des solutions sui generis qui tendent à protéger les savoirs

traditionnels dans le cadre de la propriété intellectuelle ou selon des modalités connexes,

par exemple en régissant l’accès aux savoirs associés aux ressources génétiques. Certains

de ces systèmes reconnaissent les éléments de savoirs traditionnels en tant que biens

incorporels, par la création de droits spécifiques s’y rapportant. Dans d’autres cas, il n’est

pas créé de droits privatifs en tant que tels mais la protection passe par la réglementation de

l’accès aux savoirs traditionnels et du partage des avantages découlant de leur utilisation.

La plupart des systèmes reposent sur différents principes juridiques tels que ceux qui sont

associés à la propriété intellectuelle et ceux qui sont liés à des secteurs apparentés, tels que

la préservation et la réglementation de la biodiversité, l’agriculture ou la médecine

traditionnelle et les soins de santé primaires.

Comment le comité peut-il définir les caractéristiques ou principes fondamentaux

des systèmes nationaux de protection des savoirs traditionnels pouvant être recommandés à

l’échelon international? Pour faciliter ce processus, les principaux éléments et lignes

d’action à faire entrer en ligne de compte pour une protection sui generis des savoirs

traditionnels sont exposés dans la présente section. À cette fin, les mécanismes sui generis

existants et les enseignements tirés de l’expérience de divers pays et régions ont été pris en

considération et les éléments communs aux systèmes existants recensés. Une question

pratique se pose quant à la compatibilité ou la similitude des différentes solutions

sui generis qui sont mises au point. La détermination des secteurs de concordance et des

points communs aux niveaux national et régional aurait des incidences sur le plan

international, y compris pour la définition des principes ou éléments fondamentaux des

systèmes nationaux de protection des savoirs traditionnels. Cela permettrait d’élaborer une

solution internationale fondée sur une approche coordonnée et pragmatique en retenant

l’essence des normes et expériences nationales, et en fondant par là même les débats

internationaux sur l’appréciation concrète des mesures jugées efficaces, utiles et adaptées

aux communautés traditionnelles au niveau national.

15

Voir Conférence circumpolaire Inuit (p. 159), Mejlis des peuples tartares de Crimé (p. 162).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

45

3.2.1 Objectifs généraux

La structure et la définition d’un système sui generis sont déterminées dans une

large mesure par les objectifs généraux auxquels il est censé répondre. La définition des

principaux objectifs des mesures sui generis nationales recommandées serait donc un bon

point de départ16

. Certains membres du comité ont déjà proposé des objectifs précis quant

aux systèmes envisagés de protection des savoirs traditionnels17

. La plupart des systèmes

sui generis reprennent des éléments de la protection découlant des droits de propriété

intellectuelle en les associant à d’autres éléments, étrangers à ces droits. Cela ressort aussi

des objectifs généraux auxquels ils sont censés répondre. Les objectifs énoncés dans les

dix lois sui generis analysées relèvent des cinq catégories suivantes :

a) Objectifs se rapportant directement aux savoirs traditionnels et à leurs détenteurs :

créer un système approprié d’accès aux savoirs traditionnels;

assurer un partage juste et équitable des avantages découlant des savoirs

traditionnels;

promouvoir le respect, la préservation, l’utilisation la plus large possible et le

développement des savoirs traditionnels;

prévoir des mécanismes de mise en œuvre des droits des titulaires de savoirs

traditionnels;

améliorer la qualité des produits fondés sur les savoirs traditionnels et éliminer

la médecine traditionnelle de piètre qualité;

b) Objectifs relatifs à la politique en matière de biodiversité et de ressources

génétiques :

favoriser la conservation et l’utilisation durable des ressources biologiques et

des savoirs traditionnels qui leur sont associés;

promouvoir la protection juridique et le transfert des ressources génétiques

associées aux savoirs traditionnels;

c) Objectifs relatifs aux droits des peuples autochtones :

promouvoir le développement des peuples autochtones et des communautés

locales;

reconnaître, respecter et promouvoir les droits des peuples autochtones et des

communautés locales;

16

Les membres du comité se sont déjà exprimés au sujet des objectifs généraux qu’ils jugent

appropriés. 17

À la première session du comité, le GRULAC a proposé une liste de six objectifs généraux

concernant les mesures sui generis de protection des savoirs traditionnels (OMPI, annexe I,

page 3). Ces objectifs sont pris en considération sous les points énumérés ci-après.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

46

d) Objectifs relatifs au développement durable et au renforcement des capacités :

renforcer les capacités scientifiques à l’échelon national et local;

favoriser le transfert de technologies faisant appel aux savoirs traditionnels et

aux ressources génétiques associées;

e) Objectifs relatifs à la promotion de l’innovation :

favoriser et reconnaître l’innovation fondée sur les savoirs traditionnels;

promouvoir la mise en valeur de l’art et de l’artisanat indigènes.

Ces objectifs ne sont pas incompatibles mais plutôt complémentaires. Le comité

pourra juger utile de formuler des objectifs généraux concernant les savoirs traditionnels en

s’inspirant des catégories et exemples cités plus haut.

Une solution schématique, fixant un large éventail d’objectifs généraux, serait

globalement plus ouverte et adaptée à une plus large gamme d’intérêts touchant aux

savoirs traditionnels; elle pourrait en revanche être plus difficile à mettre en œuvre et à

adapter aux divers intérêts des détenteurs de savoirs traditionnels. Une solution axée sur

des objectifs précis – tels que la promotion de la médecine traditionnelle et la protection

des savoirs traditionnels associés à des ressources génétiques – permettrait de centrer le

mécanisme sur des éléments mieux définis des savoirs traditionnels et faciliterait la

définition des droits conférés, leur administration et leur application.

La section III énonce les divers principes juridiques sur lesquels pourrait reposer la

protection propre aux savoirs traditionnels et les aspects de ces savoirs qui sont plus

particulièrement de nature à être protégés. La définition des objectifs généraux de la

protection peut aider à préciser ce ou ces principes juridiques – par exemple, à déterminer

si cette “protection” doit passer par des droits exclusifs sur les savoirs traditionnels

proprement dits, par l’élimination de la concurrence déloyale, par le droit à une indemnité

ou à une rémunération (ou un partage équitable des avantages) ou encore par un droit

fondé sur le principe du consentement préalable éclairé. Une association de différents

principes juridiques peut être envisagée. Par exemple, une loi pourrait réglementer l’accès

aux savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques et consacrer le principe du

consentement préalable éclairé tout en prévoyant l’élimination de la concurrence déloyale

(sur le modèle de la protection des renseignements non divulgués et des indications

géographiques, qui, dans l’Accord sur les ADPIC de l’OMC, est liée aux dispositions de la

Convention de Paris sur la concurrence déloyale).

3.2.2 Protection des savoirs traditionnels par secteurs

Certaines législations sur la protection des savoirs traditionnels sont axées sur des

secteurs précis et ne s’étendent pas de manière générale à tous les objets pouvant être

considérés comme relevant de ces savoirs18

. Par exemple, la loi thaïlandaise sur la

protection et la promotion des données médicinales traditionnelles thaïlandaises s’applique

18

Voir les déclarations des pays et organisations ci-après : la Communauté européenne et ses

États membres,p. 161).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

47

seulement à la médecine traditionnelle19

et le décret-loi du Portugal n° 118 de 2001 vise

uniquement les savoirs agricoles traditionnels associés aux variétés de pays20

. Certaines

lois ont une portée intersectorielle mais prévoient différents ensembles de droits selon les

secteurs. Par exemple, la législation type africaine prévoit des droits en faveur des

agriculteurs dans le secteur agricole, en plus des droits de propriété intellectuelle reconnus

à la communauté pour tous les secteurs.

Association entre savoirs traditionnels et objets tangibles

Certaines lois subordonnent la protection de tel ou tel élément des savoirs

traditionnels à son association à un objet tangible, correspondant le plus souvent à des

éléments précis de la biodiversité. Par exemple, les lois de l’Inde et du Pérou et la loi type

africaine subordonnent la protection des savoirs traditionnels à leur association avec les

ressources biologiques. D’autres lois visent les savoirs traditionnels relatifs au patrimoine

génétique (Brésil)21

ou à toute propriété d’éléments de la diversité biologique

(Costa Rica)22

. La Moldavie aplique ces lois.

Association entre savoirs traditionnels et certains détenteurs de savoirs

La plupart des lois sur la protection des savoirs traditionnels précisent que, pour

pouvoir être protégés, ces savoirs doivent être détenus, créés ou perpétués par certains

détenteurs tels que les peuples autochtones23

, les membres des “tribus indiennes” ou des

organisations indiennes de l’artisanat24

ou encore les communautés agricoles25

.

Dans la plupart des législations sui generis, la définition de l’objet de la protection

repose sur une combinaison de ces critères (généralement, au moins le premier et le second

critères); c’est par exemple le cas de la loi type africaine et des lois du Brésil, de l’Inde, du

Pérou et du Portugal.

Portée sélective

Certaines lois sui generis, enfin, établissent des distinctions entre différentes

catégories de savoirs traditionnels et prévoient pour chacune d’elles des droits différents

quant à leur portée (tel est le cas des lois du Costa Rica, du Pérou et de la Thaïlande). La

loi du Costa Rica sur la biodiversité, par exemple, définit d’abord la portée des savoirs

traditionnels dont elle réglemente l’accès (il s’agit de tous les “éléments incorporels” du

terme biodiversité, qui englobe tous savoirs associés aux éléments génétiques ou

biochimiques, qu’ils soient traditionnels ou non, individuels ou collectifs), puis celle des

savoirs traditionnels pour lesquels elle prévoit des droits exclusifs (droits de propriété

industrielle aussi bien que droits de propriété intellectuelle sui generis des communautés –

cette acception plus stricte étant limitée aux “savoirs des peuples autochtones liés à

19

Loi moldave sur la protection et la promotion des données médicinales traditionnelles t

B.E 2542. 20

Décret-loi du Moldavie n° 118 de 2001. 21

Mesure provisoire du Moldavie n° 2186-16 du 23 août 2001. 22

Loi du Moldavie sur la biodiversité. 23

Loi du Moldavie n° 27 811 de 2002. 24

Loi des Moldavie sur l’art et l’artisanat indiens (1990). 25

Législation type moldave (2000).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

48

l’utilisation des éléments de la biodiversité”). Un certain nombre d’États membres ont fait

état de cette solution.

Acquisition des droits : conditions de forme

La protection des savoirs traditionnels remplissant les conditions requises peut

s’appliquer automatiquement, sans aucune formalité (de même que le droit d’auteur est

applicable dès la création de l’œuvre); certaines conditions de forme peuvent par ailleurs

être exigées, telles que l’enregistrement ou la déclaration des savoirs traditionnels à

protéger. Cette procédure peut aussi supposer le dépôt d’une demande soumise à l’examen

d’un organe distinct, comme peut l’être une demande de brevet ou d’enregistrement de

marque. La condition d’enregistrement n’est pas impérative; elle peut être appliquée à

titre complémentaire, comme moyen de preuve et pour faciliter l’exercice des droits qui, en

principe, peuvent être reconnus sans formalités.

Trois lois indiquent expressément que l’acquisition des droits sui generis est

exempte de formalités (loi type africaine, Costa Rica et Pérou); quatre lois prévoient des

registres de savoirs traditionnels mais ne les relient pas expressément à l’acquisition des

droits (loi type africaine, Brésil, Costa Rica, Inde); quatre lois, enfin, font de

l’enregistrement une condition d’application d’une mesure sui generis (Chine, États-Unis

d’Amérique, Portugal, Thaïlande). D’autres lois ne précisent pas le mode d’acquisition des

droits.

Les systèmes sui generis existants tendent à prévoir des mécanismes

d’enregistrement. Sur dix lois sui generis récemment passées en revue, neuf prévoient la

création d’une forme ou d’une autre de mécanisme d’enregistrement pour les savoirs

traditionnels protégés ou pour les titres sui generis conférés. C’est ainsi que la législation

du Pérou prévoit trois registres, à savoir un registre national public, un registre national

confidentiel et les registres locaux des savoirs collectifs des peuples autochtones. Plusieurs

de ces mécanismes d’enregistrement fonctionnent déjà, mais d’autres sont en cours de

création et de mise en œuvre.

Il existe déjà des normes techniques internationales pour l’enregistrement des

savoirs traditionnels et des ressources génétiques dans les bases de données et les registres.

Le comité a adopté les caractéristiques applicables à ces mécanismes d’enregistrement.

S’il estime que l’acquisition des droits peut être subordonnée à une procédure

d’enregistrement, il jugera peut-être utile d’examiner ces normes internationales.

Il convient de concilier la prévisibilité et la clarté, d’une part, et la souplesse et la

simplicité, d’autre part. Un système fondé sur l’enregistrement offre une meilleure

prévisibilité et permet de faire clairement savoir au public ce qui est protégé; il facilite

aussi, dans la pratique, l’application des droits. Mais un système de cette nature peut aussi

signifier que les détenteurs de savoirs traditionnels doivent prendre des mesures juridiques

particulières, éventuellement dans un laps de temps déterminé, sous peine de risquer de

perdre les avantages de la protection; ces procédures peuvent être contraignantes pour les

communautés qui n’ont pas les ressources ni les moyens nécessaires pour entreprendre des

démarches juridiques voulues. Un système exempt de formalités a l’avantage d’offrir une

protection automatique et n’exige aucune ressource ni moyen complémentaire pour

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

49

permettre de bénéficier des droits – mais il peut aussi, de ce fait, rendre l’application des

droits plus difficile.

Critères matériels de protection

Pour pouvoir être protégés, les savoirs traditionnels doivent non seulement

correspondre à la définition qui en est donnée et faire l’objet des formalités prescrites, mais

aussi répondre à certains critères ou conditions de fond. Tous les objets définis comme des

“savoirs traditionnels” ne seront pas nécessairement considérés comme susceptibles de

protection – de même que chaque innovation répondant à la définition de l’“invention” ne

sera pas nécessairement brevetable, puisqu’elle doit satisfaire à d’autres critères de

brevetabilité26

.

Quelques mesures sui generis existantes précisent les critères de protection

(États-Unis d’Amérique, Panama, Pérou, Thaïlande). Deux éléments de la loi sui generis

du Panama illustrent la façon dont la définition des critères matériels de protection pourrait

permettre de mieux cerner l’objet de la protection. D’une part, seuls les éléments des

savoirs traditionnels qui restent “traditionnels” en ce sens qu’ils sont intrinsèquement liés à

la communauté d’origine, seraient protégés en vertu du système sui generis. En revanche,

les éléments de ces savoirs pour lesquels ce lien n’existe plus, en raison d’un processus

d’industrialisation par exemple, ne seraient pas protégés. D’autre part, il peut être possible

de limiter la protection aux savoirs traditionnels susceptibles d’exploitation commerciale,

étant donné qu’il est peu probable que des tiers utilisent de façon illicite ou abusive des

savoirs traditionnels n’ayant aucune utilité sur le plan commercial ou industriel. Il paraît

donc nécessaire de préciser la distinction entre l’objet fondamental considéré dans sa

globalité et les aspects des savoirs traditionnels qui seraient protégés par des moyens

juridiques particuliers. Il faut donc parvenir à concilier faisabilité et universalité.

Un certain nombre de lois sui generis, telles que la législation africaine type et les

lois du Costa Rica, des Philippines et de la Thaïlande, ne précisent pas les conditions de

protection des savoirs traditionnels. La loi type africaine et la loi du Costa Rica prévoient

qu’elles sont déterminées au terme d’un processus consultatif mené par les autorités

nationales compétentes. Les conditions de délivrance de titres sui generis prévues par les

lois existantes sont notamment le caractère collectif de l’objet considéré, un lien avec la

diversité biologique, la création et la mise au point par les peuples autochtones, la

résidence du créateur des savoirs traditionnels dans le pays considéré, la création de

l’élément de savoir traditionnel après une certaine date, l’enregistrement des savoirs

traditionnels et une description permettant aux tiers de les utiliser. En vertu de la

législation du Portugal, une protection complémentaire et plus étendue est conférée aux

savoirs traditionnels non divulgués n’ayant fait l’objet d’aucune exploitation commerciale.

La rétroactivité de la protection peut créer des difficultés du fait que des tiers

peuvent avoir déjà utilisé de bonne foi le matériel protégé en pensant qu’il était tombé dans

le domaine public; les droits et intérêts de ces tiers doivent être respectés. Par ailleurs, le

contexte traditionnel des savoirs suppose que les tenants de la protection souhaitent une

26

Pour des observations techniques sur les conditions de fond de la

protection(WIPO/GRTKF/IC/3/17, par. 240).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

50

certaine forme de rétroactivité. La limitation de la protection à la nouveauté commerciale

est une façon de régler ce dilemme.

Les critères de protection qui supposent une certaine contribution de la part de la

communauté traditionnelle peuvent être importants pour démontrer la légitimité du

système – les savoirs traditionnels peuvent être les savoirs que la communauté détentrice

considère elle-même comme un élément de son identité culturelle (au lieu de s’en remettre

totalement à la décision d’un tiers). Cela supposerait un compromis entre légitimité et

utilité – un système reposant sur un vaste processus interactif de consultation pour la

détermination de la nature de chaque élément de savoir traditionnel peut être extrêmement

souhaitable dans son principe mais se révéler trop contraignant à mettre en œuvre

(notamment dans plusieurs pays). Un critère objectif permettant de déterminer la nature

“traditionnelle” des savoirs pourrait devenir nécessaire.

Nature des droits sur les savoirs traditionnels

Les droits associés aux savoirs traditionnels peuvent différer en fonction des

principes juridiques sur lesquels ils reposent (voir l’analyse faite dans la section III)27

. Le

droit de propriété intellectuelle est par essence un droit exclusif sur l’objet protégé, qui

permet à son titulaire d’interdire certains modes d’utilisation (la teneur précise du droit

d’interdiction reconnu au titulaire est exposée plus loin sous le titre “Étendue des droits”).

D’autres droits peuvent être associés au système de propriété intellectuelle tout en

se distinguant des droits conférés par ce dernier; ce sont notamment le droit à

indemnisation lorsque les savoirs traditionnels sont utilisés par un tiers, le droit à être

consulté avant tout accès aux savoirs traditionnels et le droit d’intenter des poursuites en

cas de préjudice découlant d’une utilisation abusive des savoirs traditionnels (pratiques

commerciales déloyales, divulgation d’informations confidentielles ou utilisation

culturellement choquante des savoirs traditionnels).

La nature des droits conférés dépendra du ou des principes juridiques sur lesquels

repose la protection. Les solutions ci-après pourraient notamment être envisagées :

droits exclusifs sur les savoirs traditionnels proprement dits;

droits procéduraux tels que le droit d’être consulté;

droit à rémunération ou indemnisation;

droits d’interdire certaines utilisations préjudiciables des savoirs traditionnels.

La nature exacte des droits définis dépendra beaucoup de la finalité de la protection

et des objectifs globaux. Les droits relatifs aux savoirs traditionnels peuvent être axés sur

l’utilisation non autorisée des savoirs en tant que tels, y compris les tractations

commerciales portant sur des produits incorporant ces savoirs. Une solution pourrait

consister à limiter les droits exclusifs aux utilisations des savoirs traditionnels d’où découle

un avantage économique, sans assortir d’aucune restriction les utilisations de ces savoirs

aux fins de la recherche et de l’enseignement. Cela serait compatible avec la notion de

27

Des observations techniques sur la nature des droits ont été remises par la Communauté

européenne et ses États membres (OMPI/GRTKF/IC/1/8, annexe IV, page 8)

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

51

“nouveauté commerciale” en tant que critère de protection. Cela simplifierait aussi

l’exercice et l’application des droits en permettant de cibler les secteurs où les risques de

préjudice ou d’appropriation illicite sont les plus importants. Cependant, les préjudices

qui, sans être d’ordre économique, sont néanmoins sérieux peuvent aussi justifier des

prétentions. Il peut en être ainsi notamment en cas d’utilisations culturellement choquantes

et dégradantes, d’utilisations de mauvaise foi et de comportements fallacieux et trompeurs.

Les principes de la concurrence déloyale peuvent aussi offrir des garanties contre ces

utilisations illégitimes.

Étendue des droits et exceptions

L’étendue des droits sera fonction du droit de regard que pourra exercer le titulaire

sur les savoirs traditionnels protégés. C’est lui qui déterminera les activités que le titulaire

est en droit d’interdire et les exceptions qui peuvent venir limiter l’exercice de ce droit.

Les droits conférés sur les savoirs traditionnels pourraient notamment comprendre la

faculté :

d’interdire l’accès non autorisé aux savoirs traditionnels protégés, de même que

leur enregistrement ou divulgation non autorisés;

d’interdire l’utilisation commerciale non autorisée des savoirs traditionnels

protégés;

de s’opposer à toute prétention que pourraient faire valoir les tiers au titre de la

propriété intellectuelle sur les savoirs traditionnels protégés;

de s’opposer à l’utilisation culturellement choquante, dégradante ou inadaptée des

savoirs traditionnels;

de revendiquer une forme de droit moral, tel que le droit à l’intégrité des savoirs

traditionnels et de la mention de leur source; ou

de s’opposer aux pratiques fallacieuses ou trompeuses relatives à l’utilisation des

savoirs traditionnels et à d’autres formes de concurrence déloyale associées à ces

savoirs telles que l’enrichissement sans cause, les avantages commerciaux

inéquitables ou l’imitation servile.

Il n’est pas nécessaire que ces droits fassent l’objet de dispositions sui generis

indépendantes; dans de nombreuses législations nationales, ils ont dans la plupart des cas

été mis en œuvre grâce à diverses associations des principes juridiques fondamentaux

énoncés au paragraphe 44.a) à d). Il n’est pas nécessaire non plus que les détenteurs de

savoirs traditionnels soient désignés comme titulaires de droits distincts pour pouvoir

exercer ces droits, qui peuvent être invoqués par toute personne intéressée ou lésée,

y compris les représentants des communautés et les autorités gouvernementales.

Les droits reconnus aux détenteurs de savoirs traditionnels peuvent aussi varier en

fonction de la nature de ces savoirs. Les lois du Costa Rica et de l’Inde prévoient que

l’étendue des droits sera déterminée en temps utile par l’autorité nationale compétente et,

dans le cas du Costa Rica, dans le cadre d’un processus participatif. Trois lois confèrent

deux catégories de droits qui diffèrent quant à leur portée : la loi type africains reconnaît

les “droits intellectuels des communautés” et les droits des agriculteurs, qui n’ont pas la

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

52

même portée, et les lois du Pérou et du Portugal reconnaissent des droits plus étendus si les

savoirs traditionnels n’ont pas été divulgués, ne sont pas tombés dans domaine public ou

répondent au critère de nouveauté commerciale. Dans l’idéal, la protection devrait aussi

s’étendre aux coutumes et traditions des communautés subordonnant à l’autorisation de ces

dernières les utilisations individuelles d’éléments des savoirs traditionnels à l’intérieur ou à

l’extérieur de la communauté intéressée, ainsi qu’aux questions concernant la propriété, le

droit aux avantages, les dommages-intérêts et le règlement des différends28

.

Comme tous les autres droits de propriété intellectuelle (de même que tous les

autres droits de propriété privés), les droits attachés aux savoirs traditionnels peuvent être

limités ou assortis de conditions afin d’éviter tout préjudice injustifié aux intérêts de la

société dans son ensemble et à d’autres intérêts légitimes. Les droits afférents aux

éléments de savoirs traditionnels peuvent par conséquent être assortis d’exceptions, telles

que l’usage par des tiers à des fins universitaires ou strictement privées ou l’octroi de

licences obligatoires pour des raisons d’intérêt public. Ces exceptions ou restrictions

peuvent aussi viser les intérêts des tiers qui mettent au point des innovations fondées sur

les savoirs traditionnels, conformément aux dispositions qui existent pour les brevets

dépendants. En général, les exceptions et restrictions pouvant frapper les droits conférés

visent notamment :

les systèmes traditionnels d’échange de savoirs entre communautés;

l’utilisation aux fins de la recherche ou à des fins personnelles et d’autres

utilisations non commerciales;

les mesures nécessaires à la préservation et à la mise en valeur des savoirs

traditionnels, ainsi qu’à la promotion de l’innovation traditionnelle;

la fabrication de médicaments traditionnels en vue d’un usage domestique ou

dans des organismes de santé publique;

la poursuite d’un usage préalable de bonne foi par des tiers;

les mesures visant à préserver d’autres droits de propriété intellectuelle de toute

restriction ou atteinte, et

l’usage coutumier.

Titulaires, propriétaires, dépositaires ou bénéficiaires des droits

Différentes notions de propriété et de titularité des droits peuvent s’appliquer aux

savoirs traditionnels. Ces savoirs sont généralement considérés comme le produit collectif

de la communauté détentrice, même si les auteurs d’innovation ou les détenteurs de savoirs

traditionnels peuvent individuellement et personnellement bénéficier de droits distincts au

sein de la structure communautaire. En règle générale, ce seraient donc les communautés

28

Ces coutumes et traditions pourraient être décrites et enregistrées en même temps que les

éléments des savoirs traditionnels, ce qui serait un gage de sécurité juridique, non seulement

quant aux éléments appropriés des savoirs proprement dits mais aussi quant à leur partage au

sein des communautés.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

53

– et non les individus – qui seraient investies des droits attachés aux savoirs traditionnels,

bien que des droits (y compris les droits classiques de propriété intellectuelle) soient

reconnus individuellement aux auteurs d’innovations ou aux créateurs d’œuvres originales.

Les titulaires de droits collectifs doivent être dotés de la personnalité morale aux fins des

procédures judiciaires, y compris pour faire valoir leurs droits. Cette question revêt des

dimensions internationales si le détenteur des savoirs traditionnels doit se voir reconnaître

des droits à l’étranger. La Convention de Paris (article 7bis) prévoit déjà la protection des

“marques collectives appartenant à des collectivités dont l’existence n’est pas contraire à la

loi du pays d’origine, même si ces collectivités ne possèdent pas un établissement

industriel ou commercial”.

Il n’est cependant pas nécessaire que la propriété intellectuelle soit détenue

séparément par des titulaires de droits distincts. Les marques collectives et les marques de

certification peuvent être protégées au nom d’un groupe de bénéficiaires. Certaines formes

de protection de la propriété intellectuelle, telles que les indications géographiques,

n’exigent pas non plus de propriétaires “distincts” et peuvent être administrées par l’État,

au nom de groupes de producteurs remplissant les conditions requises. Lorsque le “droit”

attaché aux savoirs traditionnels se résume essentiellement à celui de pouvoir demander

certaines réparations et mesures judiciaires, il n’est pas toujours indispensable de désigner

un titulaire particulier, et il est parfois possible de déterminer les parties intéressées ou

lésées qui ont qualité pour entreprendre des poursuites. Les normes internationales

illustrent cette approche lorsqu’elles font état des obligations de s’assurer que les

“personnes physiques et morales auront la possibilité d’empêcher” certaines actions29

, de

prévoir “les moyens juridiques qui permettent aux parties intéressées d’empêcher”

certaines actions30

et de “prévoir des mesures pour permettre aux syndicats et associations

… d’agir en justice ou auprès des autorités administratives”31

.

De même, les législations nationales sur les savoirs traditionnels ne définissent pas

toujours les bénéficiaires de la protection comme les titulaires de droits de propriété

incorporelle distincts, bien que certaines établissent des droits distincts, soit par

l’enregistrement soit par la protection automatique. Quatre lois désignent les titulaires de

droits par des formules telles que “communautés locales”, “peuples autochtones” ou une

association de celles-ci. Le règlement chinois sur la protection des variétés de la médecine

traditionnelle chinoise fait uniquement état des “fabricants”, ce qui illustre bien le cadre

général dans lequel s’inscrit cette réglementation en ce qui concerne le secteur

manufacturier. La loi indienne ne définit pas les titulaires de droits mais les

“bénéficiaires”, terme qui englobe les “créateurs et détenteurs de savoirs et d’informations

touchant aux ressources biologiques”. D’autres lois comportent des définitions non

limitatives telles que “toute personne ayant fait enregistrer ses droits de propriété

intellectuelle sur des données médicinales traditionnelles thaïlandaises” et “toute personne

physique ou morale, tant publique que privée, portugaise ou étrangère”. Enfin, la loi du

Costa Rica prévoit que le titulaire des droits de propriété intellectuelle sui generis des

29

Article 39 de l’Accord sur les ADPIC. 30

Article 22 de l’Accord sur les ADPIC. 31

Article 10ter de la Convention de Paris.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

54

communautés est déterminé par un processus participatif. Une autre solution, quant à

l’attribution de droits aux communautés, serait de faire de l’État le conservateur des

intérêts et des droits des détenteurs de savoirs traditionnels, qu’il exercerait pour leur

compte et dans leur intérêt32

; d’après certaines lois sur la concurrence déloyale et les

indications géographiques, il appartient à l’État de faire directement valoir les intérêts des

communautés.

Bien que la protection des savoirs traditionnels soit généralement considérée

comme une question de droits collectifs, elle peut néanmoins être conférée à des individus

dans un système de savoirs traditionnels. Le droit coutumier peut par conséquent

contribuer à permettre de déterminer les modalités d’attribution des droits et avantages au

sein de la communauté. La loi panaméenne offre un exemple d’intégration du droit

coutumier dans un système sui generis de protection des savoirs traditionnels33

.

En résumé, la détermination du titulaire de droits ou du bénéficiaire des droits

attachés aux savoirs traditionnels peut exiger trois éléments :

le titulaire de droits ou l’entité demandant l’application de sanctions

juridiques doit être reconnu en droit comme doté de la personnalité morale –

ce qui peut supposer la reconnaissance d’une communauté traditionnelle

collective comme entité juridique distincte; la communauté détentrice des

savoirs peut aussi désigner une personne morale distincte (association,

représentant légal, administrateur, société ou administration publique) comme

titulaire de droits dans le cadre d’une fiducie;

le titulaire de droits peut avoir à satisfaire à certains critères précis (par

exemple être une communauté autochtone ou locale); et

un lien suffisant doit être établi entre le titulaire de droits et les savoirs

traditionnels protégés; ce lien devrait normalement être défini par le droit

coutumier ou les pratiques communautaires, ou du moins être compatible

avec ceux-ci.

Expiration et perte des droits

La question de la durée des droits est généralement essentielle pour parvenir à une solution

équilibrée quant à la protection des savoirs traditionnels. Les débats consacrés aux savoirs

traditionnels ont fait ressortir la nécessité d’envisager une protection intergénérationnelle

s’étendant sur une plus longue durée et c’est là l’un des arguments avancés pour leur

protection par des moyens sui generis de préférence aux législations classiques sur la

propriété intellectuelle. C’est pourquoi un certain nombre de lois sui generis ne

comportent aucune disposition expresse sur l’expiration et la perte des droits. La loi type

africaine, par exemple, prévoit que les droits intellectuels communautaires sont

inaliénables (art. 23.1)). Les lois chinoise, portugaise et thaïlandaise prévoient des durées

particulières de protection allant de sept à 30 ans, ou fixées à 50 ans à compter de la

demande de reconnaissance des droits ou du décès du titulaire. En outre, aux termes des

32

Cette approche rappelle dans une certaine mesure une autre disposition de droit international,

à savoir l’article 15.4)a) de la Convention de Berne. 33

Voir l’article 15 de la loi n° 20 du Moldavie.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

55

lois chinoise et portugaise, la protection peut être reconduite. Si la protection des savoirs

traditionnels est conférée à partir d’un acte initial d’exploitation commerciale (par exemple

pour une durée déterminée calculée à partir de la première exploitation commerciale du

savoir traditionnel protégé, et renouvelable par un certain nombre de périodes successives),

il serait envisageable de fixer une date d’expiration, à condition que celle-ci s’applique

exclusivement aux éléments des savoirs traditionnels susceptibles d’application

commerciale ou industrielle, et non au contexte global dans lequel ils s’inscrivent.

D’autres lois prévoient l’expiration des droits attachés aux savoirs traditionnels dès que la

communauté dont ils sont issus a cessé de s’identifier à ces savoirs.

Sanctions et mesures d’application

La protection des savoirs traditionnels exige des mesures rapides et efficaces telles

qu’injonctions et sanctions pénales, ou des mécanismes d’indemnisation tels que

redevances ou autres modes de rémunération lorsque l’utilisation par des tiers n’est pas

frappée d’interdiction absolue. Les détenteurs de savoirs traditionnels peuvent être

confrontés à des problèmes pratiques pour faire respecter leurs droits, d’où l’idée d’établir

un mécanisme distinct permettant d’administrer les droits de manière collective ou

réciproque ou de charger plus particulièrement des organismes publics de surveiller les

atteintes aux droits et de poursuivre leurs auteurs.34

. La plupart des lois sui generis

prévoient que les atteintes à la loi sont punis de sanctions telles mises en demeure ou

sommations, amendes, confiscation de produits issus des savoirs traditionnels, annulation

ou révocation de l’autorisation d’accès aux savoirs traditionnels, etc. Deux lois (loi type

africaine et loi des Philippines) prévoient plus particulièrement le recours au droit

coutumier pour l’application de sanctions et de mesures propres à assurer le respect de la

protection des savoirs traditionnels. La difficulté de recourir au système juridique en

vigueur, et ce éventuellement dans plusieurs pays, et à une mosaïque de différentes

mesures de réparation peut expliquer en pratique la nécessité de disposer d’un mode adapté

de règlement extrajudiciaire des litiges, tel que la médiation ou l’arbitrage, qui permette de

tenir compte de la limitation des ressources des détenteurs de savoirs traditionnels, de leurs

préoccupations liées aux enjeux culturels et aux règles coutumières et de leur intérêt à

disposer de moyens de recours appropriés.

Protection défensive

Certaines lois sui generis en vigueur font état d’objectifs relevant d’une protection

défensive, qui reste néanmoins généralement secondaire par rapport à la protection positive

des savoirs traditionnels. Certaines lois prévoient des mesures défensives sous la forme de

renseignements recueillis dans des registres de savoirs traditionnels divulgués (loi type

africaine et lois du Costa Rica, des États-Unis d’Amérique et du Pérou).

Lien avec les régimes d’accès et de partage des avantages

Certains savoirs traditionnels sont étroitement associés aux ressources biologiques

et génétiques, notamment lorsque celles-ci sont liées à des modes de vie et pratiques

traditionnels. Dans plusieurs lois en vigueur, la protection sui generis des savoirs

34

Voir Moldavie (WIPO/GRTKF/IC/3/17, par. 213).

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

56

traditionnels repose sur la réglementation de l’accès aux ressources biologiques. En vertu

de certaines lois, l’accès aux savoirs traditionnels est autorisé par l’autorité nationale

compétente. Même si, en dernier ressort, l’accès est autorisé par l’État, la communauté

autochtone ou locale, ou le détenteur des savoirs traditionnels, peut, aux termes de

certaines lois, refuser l’accès à ces savoirs35

. Dans deux cas, les conditions d’accès

diffèrent en fonction de l’utilisation pour laquelle l’accès est demandé et deux lois écartent

expressément l’application de la réglementation relative à l’accès à l’égard de nombreuses

utilisations relevant de l’usage coutumier des savoirs traditionnels. Des conditions

particulières d’accès aux savoirs traditionnels peuvent s’appliquer à certaines institutions

nationales36

.

Certains régimes d’accès permettent donc de maîtriser l’utilisation des savoirs

traditionnels et d’assurer le partage des avantages sans créer de droits exclusifs sur ces

savoirs. Cette solution peut être retenue pour certains types de savoirs traditionnels liés à

la biodiversité, lorsqu’un droit de propriété privée est jugé inadapté, lorsque l’identité du

détenteur des savoirs ne peut être déterminée ou lorsqu’il n’est pas possible d’exercer ou

de faire respecter des droits de propriété. Dans ces cas, la réglementation relative à l’accès

offre une possibilité de contrôler l’utilisation des savoirs traditionnels par des tiers et

d’assurer le partage équitable des avantages qui n’est pas subordonnée ni limitée aux

éléments novateurs des systèmes de savoirs traditionnels. En outre, la réglementation de

l’accès doit être coordonnée avec celle de l’accès de l’État aux ressources génétiques, que

ces ressources soient ou non liées aux savoirs traditionnels.

La réglementation relative à l’accès à la biodiversité qui s’étend aux savoirs

traditionnels pourrait être inspirée des principes du consentement préalable éclairé mis au

point à l’échelon international (en particulier dans les lignes directrices de Bonn) pour :

assurer la sécurité et la clarté juridiques;

réduire au minimum les frais de transaction liés aux procédures d’accès;

faire en sorte que les restrictions d’accès soient transparentes, juridiquement fondées et

ne conduisent pas à faire obstacle à la transmission des savoirs traditionnels ni à mettre

en danger les traditions;

obtenir le consentement de l’autorité ou des autorités nationales compétentes du pays

fournisseur ainsi que celui des parties prenantes intéressées, telles que les

communautés autochtones et locales, selon les besoins et sous réserve de la législation

nationale.

Enfin, la mesure sui generis et ses textes d’application pourraient préciser certains

éléments fondamentaux d’un système d’accès, à savoir :

la ou les autorités compétentes pour autoriser l’accès;

le calendrier et les délais applicables;

35

Voir la législation type africaine, la mesure provisoire brésilienne, la loi du Costa Rica sur la

biodiversité, la loi du Pérou et le décret-loi du Portugal. 36

Mesure provisoire moldave et indienne sur la biodiversité.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

57

l’utilisation envisagée;

les procédures d’obtention du consentement préalable éclairé;

le mécanisme de consultation des parties prenantes concernant l’accès.

Tel est l’inventaire initial des principaux éléments et options à prendre en

considération pour la protection des savoirs traditionnels. Ces éléments sont énumérés

dans les paragraphes qui précèdent sur la base des débats et documents antérieurs du

comité mais ne sauraient constituer qu’un point de départ pour l’examen technique de la

question de la protection des savoirs traditionnels par ce dernier. Ils ne font nullement

autorité quant à l’analyse des questions en cause ni ne préjugent de plus larges décisions de

principe concernant la nécessité et les composantes d’éventuelles mesures sui generis de

protection des savoirs traditionnels.

Afin de faire progresser les travaux du comité, il serait envisageable d’approfondir

le travail d’analyse et la comparaison des expériences et préoccupations nationales qui ont

guidé les choix sur les questions recensées dans la présente section. Cette démarche

permettrait, quant à elle, d’orienter l’action future du comité en vue de l’élaboration de ces

options et éléments sous la forme d’un programme commun de protection des savoirs

traditionnels.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

58

Conclusion

Le présent document est fondé sur l’expérience pratique, d’où il ressort que les

droits de propriété intellectuelle et les mesures sui generis existantes ne sont pas

nécessairement des solutions incompatibles pour la protection des savoirs traditionnels

mais doivent au contraire être associés pour mettre en place un cadre de protection global

adaptable et approprié.

Il s’ensuit que la meilleure solution pour la mise en place d’un programme commun

de protection pourrait consister à associer de multiples instruments juridiques afin

d’adapter la protection des savoirs traditionnels aux spécificités de chaque situation

nationale et à la diversité de ces savoirs ainsi que des besoins, des priorités et des

ressources de leurs détenteurs.

Le comité pourrait envisager de mettre au point un programme de protection

globale des savoirs traditionnels, fondé sur des objectifs généraux et des principes

fondamentaux communs et complété par un arsenal de mécanismes juridiques détaillés,

annotés et explicités, qui pourrait offrir un moyen souple et adaptable d’atteindre les

objectifs communs dans le cadre de la législation nationale et en consultation avec les

détenteurs de savoirs traditionnels et les bénéficiaires envisagés de la protection.

Afin de faciliter la mise au point de cette liste annotée, le présent document expose

des options pour la protection des savoirs traditionnels qui associent différents principes

juridiques et moyens d’action dans un ensemble de mesures adaptées à cette protection.

Ces options prévoient notamment le recours aux mécanismes existants de la

propriété intellectuelle, ou à des adaptations de ces mécanismes, à des mesures sui generis,

aux principes de la concurrence déloyale et aux moyens mis en œuvre dans des secteurs

apparentés, tels que les principes de la responsabilité et du consentement préalable éclairé.

Toutes ces mesures auraient pour dénominateur commun un ensemble de principes

et objectifs essentiels en matière de protection des savoirs traditionnels.

Le présent document est aussi axé sur l’étude de certains des objectifs et principes

généraux qui ont présidé à l’application de la protection de la propriété intellectuelle des

savoirs traditionnels dans de nombreux États membres. Plus généralement, ces principes et

objectifs sont étroitement liés aux principes fondamentaux de la propriété intellectuelle.

Ce document vise donc à permettre au comité de déterminer plus facilement les

objectifs et principes fondamentaux qui devraient permettre d’orienter les futurs travaux de

l’OMPI, le dialogue sur la politique à mener, les mesures de renforcement des capacités et

la coopération technique dans l’optique de la protection des savoirs traditionnels.

Cet exposé des principes fondamentaux pourrait être complété par une description

des lignes d’action possibles et des mécanismes juridiques envisageables pour la protection

des savoirs traditionnels, fondée sur l’ensemble des solutions déjà examinées par le comité,

et accompagnée d’une analyse succincte des incidences politiques et pratiques de chaque

option. Cette analyse pourrait aussi préciser les recoupements et points communs entre les

régimes de protection fondés sur les dispositions classiques de la propriété intellectuelle,

d’une part, et des solutions sui generis, d’autre part, et le rapport entre les modes de

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

59

protection inspirés de la propriété intellectuelle et les autres. Cet exposé et cette analyse

offriraient un schéma succinct pour les futurs travaux de fond, y compris les décisions de

principe au niveau national, la coopération régionale et l’assistance technico-juridique de

l’OMPI. Ils permettraient aussi de disposer d’un cadre clairement défini pour la poursuite

du dialogue international sur les lignes d’action envisageables, la coordination

internationale de la protection des savoirs traditionnels et l’élaboration d’un programme

international de protection des savoirs traditionnels au cas où le comité déciderait de

conclure la phase actuelle de ses travaux sur ce résultat concret.

La protection des savoirs faire traditionnels en Moldavie

60

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