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Dossier d'étude Bucarest Floreasca : Un territoire en mutation qui se bat pour préserver son identité Par Tanguy Fourrier Maud Fourmanoit Charlotte Guillet 1

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Dossier d'étude Bucarest

Floreasca : Un territoire en mutation qui se bat pourpréserver son identité

Par Tanguy FourrierMaud FourmanoitCharlotte Guillet

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Un grand merci à Clara pour ses balades de six heures dans Bucarest, au GrupulFloreasca pour leur temps et la qualité de leurs informations mais aussi à Stéphanie

BOST, Sylvain SAUDO et Simon DELLOUE pour leurs conseils professionnels.Nous remercions également l'équipe enseignante, les habitants de Floreasca pourleur aide précieuse, ainsi que tous les intervenants que nous avons pu rencontrer.

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Uniti pentru Floreasca ,"Unité pour Floreasca"

Ce sont les mots qui racontent la perte que Floreasca subit un peu plus chaque jour.Ce sont les mots que des habitants en colère ont soigneusement choisis pour porterleurs revendications. Ce sont les mots écrits en lettres épaisses sur des affiches, portées aux yeux de quiveut les voir, mais surtout brandies contre les investisseurs et leurs autorisations dedéfigurer Floreasca en toute impunité. Ce sont les mots scandés de concert par des centaines de personnes marchantensemble dans les rues de leur quartier, avec une même idée : préserver l'identité deleur territoire, préserver leur identité. Ce sont les mots brandis comme des étendards, écrits de la main de ceux qui neveulent pas assister au désastre sans faire entendre leur voix.

Ce sont les mots que nous avons donc choisis pour illustrer notre étude d'un quartierqui change, mais d'un quartier plus vivant et combatif que nous aurions pul'imaginer

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SOMMAIRE

Introduction ………………………………….……………………………….p.6

1. Présentation du quartier........................................................................p.7

2. Floreasca : son histoire, ses évolutions……………..................p.16

3. Un quartier qui se bat pour préserver son identité.......p.233.1. Une identité marquée...........................................................................p.233.2. Une bataille pour conserver une identité mise à mal....................p.25

4. Les communs urbains : une part importante de l'identité du quartier ……….………………….………………………………………..p.28

Conclusion...............................................................................................................p.37

Bibliographie...................................................................….p.38

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INTRODUCTION

Lors de notre voyage d'étude, nous avons eu la chance de découvrir la ville de Bucarest,capitale de la Roumanie, et plus particulièrement le quartier de Floreasca situé au nord de la ville.

L'histoire de la Roumanie est marquée par une forte influence communiste pendant toute la moitiédu XXe siècle et particulièrement de 1965 à 1989, avec l'arrivée au pouvoir de Ceausescu. Le pays se voit alors totalement métamorphosé. Le principal symbole de cette transformation restebien sûr la construction des fameux blocs de logements collectifs, appelés par les habitants « cagesà oiseaux ». Mais cette métamorphose va au-delà d'une simple transformation de l'architecture :l'organisation des villes de manière générale observe également une mutation certaine.L'aménagement est organisé et systématique : la ville roumaine devient rationalisée à l'extrême. Bucarest devient le terrain de jeu de prédilection de Ceausescu, et est la ville la plus marquée dansson développement urbain par le communisme.

L'architecture et l'aménagement des villes ne sont cependant que la partie visible desconséquences du communisme . En effet, des politiques de collectivisation et de partage des bienssont mises en place, et ne sont pas sans conséquences à la chute du régime. Si la rétrocession deslogements à leur anciens propriétaires est votée, des questions se posent encore quand au régimede propriété sous lesquels sont sensés se trouver certains espaces.

La chute du régime communiste marque aussi le début de l'ère du libéralisme pour le pays. Unlibéralisme qui se propage à un rythme effréné, et sans réelles règles établies. Le développementde Bucarest devient sous certains aspects anarchique et incontrôlé, et de profondes mutationsapparaissent. : le paysage urbain change radicalement. La Roumanie tente encore à l'heureactuelle de contrôler ce développement parfois chaotique.

Situé au nord de la ville, le quartier de Floreasca a été profondément marqué, comme le reste dupays, par l'époque communiste. Ancien quartier « ghetto » dans les années 1920, il fait l'objetd'une attention particulière de la part régime, qui décide de lui donner un nouvel élan. Aujourd'huiluxueux et luxuriant, le quartier est le « poumon » vert d'une ville où la proportion d'espaces vertspar habitants reste très faible. C'est de fait un des quartiers résidentiels les plus attrayants de lacapitale.

Le libéralisme économique n'est cependant pas sans conséquences pour le quartier, qui voit petit àpetit son identité changer. Si dans certains quartiers ce genre de changements se passent sans quedes voix s'élèvent, les habitants de Floreasca n'entendent pas laisser leur quartier se transformersans réagir.

C'est pourquoi nous sommes demandé dans quelle mesure Floreasca est un quartier en mutationqui se bat pour préserver son identité. Nous présenterons dans un premier temps le quartier danssa globalité, puis nous étudierons dans un second temps son histoire et les évolutions actuellesauxquelles le quartier fait face. Nous présenterons ensuite ce qui fait l'identité de Floreasca, et labataille des habitants pour préserver cette identité. Enfin, nous ferons un focus sur le concept decommuns urbain, une notion directement rattachée à l'identité du quartier.

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1. Présentation du quartier

Le quartier Floreasca est l'un des nombreux quartiers de Bucarest, situé au Nord de la ville,dans le secteur 2. Il est entouré par les quartiers de Primaverii à l'Ouest, d'Herastrau et d'Aviatei auNord, de Tei à l'Est et de Dorobanti au Sud.

Plus spécifiquement, et pour cadrer au mieux notre analyse de territoire, nous avons délimité lesaxes principaux qui posent les frontières du territoire que nous avons étudié.

Tout d'abord à l'Ouest le Boulevard Aviatorilor, qui permet de faire la connexion à la fois vers lecentre avec les transports en communs mais aussi avec le parc Herastrau. Ensuite au Nord nousavons délimité le quartier par l'autoroute Pipera, un axe majeur qui permet de créer une frontièrenette avec les quartiers d'Herastrau et d'Aviatei. A l'Est la rue Barbu Vacarescu créé une frontièreavec le quartier Tei grâce à son tramway qui la traverse. Enfin au Sud nous retrouvons l'autorouteStephan cel Mare, axe important qui est bordé par le métro et qui est lui aussi une frontière avec lequartier Dorobanti.

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Localisation de Floreasca

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A l'intérieur de ce territoire il existe trois axes principaux qui permettent de faire la frontière avecle quartier Primaverii : ce sont le Boulevard Mircea Eliade, les rues Radu Beller et DorobantilorAu delà de ces délimitations routières, il ne faut pas oublier la délimitation naturelle qui est crééepar la rivière Colentina et ses différents lacs.

En effet , une des spécificités de ce quartier, est qu'il est bordé de nombreux éléments naturels, eton peut même considérer Floreasca et ses alentours comme les poumons verts de Bucarest.Le quartier est longé par l'une des deux rivières qui parcourent Bucarest : la Colentina. Cette rivièrea une longueur de 101,1 km, dont 37,4 km traversent Bucarest intra muros. Sa source se situe dans

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Délimitation du quartier

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la région du Munteni et la rivière se déverse dans la Dambovita (l'autre rivière qui traverseBucarest), qui elle même est un affluent du Danube.

La spécificité de la Colentina est qu'elle a été aménagée en de nombreux lacs artificiels. Parmi untotal de 15 lacs qui sont formés par la Colentina, trois sont aux abords du quartier de Floreasca : lelac Floreasca, le lac Tei (en aval) et le lac Herastrau (en amont).On retrouve ensuite de nombreux espaces verts publics ou privés au sein du quartier ou dans sesalentours. Notons tout d'abord la présence de deux parcs importants : celui d'Herastrau et celui deFloreasca. Le premier qui longe et fait le tour du lac du même nom affiche une superficie de1,1km². Le lac Floreasca quand à lui se décompose en deux parties séparées par le boulevard MirceaEliade : l'un public, et l'autre qui borde le lac éponyme et qui est privé. Il appartient au complexeimmobilier Tineretului. Il existe ensuite deux autres parcs qui sont au sein du territoire deFloreasca : les parcs Verdi et Garibaldi.

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Lac Floreasca Lac Herastrau

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Au delà de ces parcs, nous retrouvons un nombre important d'espaces verts privés, communs auxhabitants du quartier.Ces espaces partagés représentent une spécificité particulièrement intéressante du quartier deFloreasca, sur laquelle nous reviendrons plus en détail par la suite.

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Espaces verts et de la trame bleue

Espaces commun en coeur de bloc

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Ces espaces communs se situent principalement dans ce que nous avons choisis d'appeler le hautFloreasca . En effet, il nous est apparut qu'une réelle distinction était à faire entre deux partiesdistinctes du quartier : le « haut » et le « bas » Floreasca.

Dans le quartier, nous retrouvons tout d'abord un espace relativement marqué par le poids dupassé : c'est le centre de Floreasca qui se situe dans les hauteurs du territoire. Au contraire, dans « le bas » du quartier (voir coupe) nous retrouvons un territoire en ébullition,qui se métamorphose. Nous retrouvons deux atmosphères architecturales différentes.

Ces deux zones malgré leurs différences affichent quelques similitudes.Premièrement, une construction urbaine à tendance damier. En effet nous remarquons que laplupart des rues de Floreasca sont toutes perpendiculaires et parallèles les unes aux autres.Deuxièmement, ce quartier est constitué majoritairement de petites rues. Le quartier est traversé par deux axes plus importants : la rue Ceaikovski et la rue Floreasca.

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PUZ du quartier de Floreasca qui illustre le plan en damier du quartier

COUPE : Un quartier en mutation

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Ces deux zones affichent cependant bon nombre de différences, notamment architecturales etidentitaires.

Tout d'abord, le « haut » Floreasca, c'est-à-dire le centre du quartier, est l'espace le plus ancien duterritoire. Le centre est principalement constitué d'habitats collectifs de deux styles architecturauxdifférents séparés par la rue Ceaikovski. Au sud de cet axe, nous retrouvons des ensembles de style architectural stalinien en R+2. C'est unearchitecture sobre, linéaire et répétitive.Du côté nord de la route, nous retrouvons des ensembles de style années 60 en R+2. Cesensembles sont eux aussi linéaires et répétitifs. Dans la globalité, ces blocs ne sont pas tout letemps entretenus et nous rencontrons des situations d'insalubrité sur les façades. Tous cesensembles d'immeubles côtoient des bâtiments et maisons individuelles plus récentes qui sontparfois construites illégalement. En effet il existe de nombreux phénomènes de corruption sur leterritoire roumain, et tout particulièrement dans le domaine de l'immobilier.

Ensuite, lorsque nous arrivons dans le « bas » Floreasca, nous notons une réelle mutationarchitecturale. Apparaissent alors des immeubles, de nombreux immeubles de haut standing quicôtoient de vieilles bâtisses délabrées typiquement roumaines. Nous assistons à unrenouvellement urbain, les investisseurs viennent métamorphoser le quartier avec des immeublesà cinq étages ou plus, avec une architecture moderne, diamétralement opposée à celle que l'onpeut retrouver dans les blocs communistes du centre.

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Immeuble de style stalinien Immeuble des années 60

Construction d'un immeuble de haut standingImmeuble de hautstanding

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Floreasca peut être considéré comme un quartier mixte architecturalement du fait de cetteconstruction de nouveaux immeubles.Cette mixité se retrouve partiellement en termes de circulation et de transport. En effet, sachantque Floreasca est un quartier semi-résidentiel, nous sommes, en théorie, supposés retrouver unecirculation à faible densité.

Les axes routiers sont utilisés par les transports individuels (voitures, motos) et transports encommun : le quartier de Floreasca est traversé par trois lignes de bus, les lignes 182 et 282 quisillonnent le quartier d'Ouest en Est et le bus 135 qui le coupe du nord au sud. De plus on constateque le quartier est bordé par d'autres types de transports en communs. Tout d'abord le métro : leslignes 1 et 2 passent à proximité, dont cette dernière qui permet d'accéder au centre et à la PlaceUniversiti. Enfin il y a la ligne 5 de tramway qui traverse la rue Barbu Vacarescu.

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Réseau de transports en commun sur leterritoire

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A y regarder de plus près, on constate que ce sont ces transports en commun et les voitures quiont la place la plus importante dans le quartier. En effet les vélos et les piétons passent au secondplan. Tout d'abord il n'existe quasiment pas de pistes cyclables fiables au sein de la ville et la plusproche se situe sur le boulevard Aviatorilor. La place du vélo est réellement laissée de côté. Ensuite, le piéton est lui aussi mis en difficulté dansle quartier : Les passages piétons sont peu présents, ou mal positionnés et les voitures cèdentdifficilement la priorité. De plus, sur les voies secondaires, les trottoirs sont principalement prispar les voitures des habitants, ce qui ne laisse pas de place pour les piétons qui sont obligés demarcher sur la route.

Nous retrouvons alors un réel problème de stationnement dans le quartier. En effet il n'existe quedeux parking légaux à proximité du quartier : ils se trouvent derrière la rue Barbu Vacarescu. Denombreux garages sauvages et illégaux se sont alors construits depuis les années 90. Ce manqueimportant de garages est lié à l'importance des voitures détenues par les résidents du quartier(sachant que Floreasca est un quartier résidentiel). En effet comme on a pu nous l'expliquer, lesroumains ont en général deux à trois voitures par foyer ce qui rend l'accessibilité à unstationnement plus complexe, ce qui encombre les trottoirs.

Ce problème de stationnement est également dû au fait que, bien que Floreasca soit un quartier àtendance résidentielle, la mutation du « bas Floreasca », et du quartier en général, tend àaugmenter les flux d'automobiles, au grand dam des habitants.Les habitants de Floreasca sont au nombre de 5 000. Ce quartier regroupe une population declasse moyenne mais qui commence à gagner en richesse. La population est plutôt âgée, sachantque ce quartier peut être considéré comme calme et agréable pour une capitale. Cette tendanceétait nettement plus forte avant les années 90, mais nous assistons à un rajeunissement de lapopulation, notamment lié à ce renouvellement social et architectural. En effet, ce sont cesnouveaux bâtiments de haut standing qui attirent une population de plus en plus jeune. Ce qui fait la spécificité de Floreasca est aussi la cohésion créée entre les habitants que nous neretrouvons pas au sein du reste de Bucarest. Effectivement, nous pouvons parfois nous sentir dansun village, où la plupart des personnes se côtoient.

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Garage "sauvage"

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Un petit village qui comprend peu d'activités. En effet, nous pouvons retrouver quelquescommerces de proximités concentrés autour du parc Garibaldi, deux cliniques (une au Sud et uneau Nord) et une école primaire.

Un projet aurait dû être sorti de terre en 2015 afin de développer l'activité autour du lac Floreasca.Ce projet consistait à créer un espace de balade et de sport nautique autour du lac, mais, l'année2016 passée, le projet est toujours à l'état de travaux, et nous avons appris que ce projet est aufinal annulé pour une raison non déterminée. Les habitants se questionnent sur ces raisons. Unpotentiel est ainsi non exploité pour le quartier. Au-delà de ne pas être exploité, le lac et ses berges sont littéralement laissés à l'abandon. Lechantier commencé n'a jamais été terminé et laissé tel quel, certaines parties au nord ont étédrainées sans raison apparente. Ce drainage a entraîné la fermeture de plusieurs établissements(discothèques, restaurants…) contribuant ainsi à renforcer cet effet d'abandon.

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2. Floreasca, son histoire, ses évolutions Le passage d'un ghetto à un quartier luxueux

Si aujourd'hui Floreasca est un des quartiers résidentiels les plus attrayants de Bucarest, lequartier est marqué par une histoire qui a connue de nombreuses évolutions.

L'histoire de Floreasca s'étend sur plusieurs siècles. On trouve des premières origines sérieuses del'existence du quartier au 16ème siècle. On parle alors du quartier de "Floresti", un territoireprincipalement rural. Ce n'est qu'au 19ème siècle que le quartier est réellement rattaché à la villede Bucarest.

La première guerre mondiale : un afflux de population majeurUn premier changement radical dans l'histoire du quartier se déroule pendant les années quisuivent la première guerre mondiale.Entre 1918 et 1922, Bucarest connaît un afflux de population majeur, mais trop peu d'options delogements. Un premier plan d'urbanisation est alors mis en place par l'architecte Rainer pourpallier à ce manque. Durant cette période, on commence à construire des corps de bâtimentspouvant abriter plusieurs logements, un concept qui n'est pas très bien reçu par la population audébut. Pour faciliter la transition vers le logement collectif, des lois sont mises en place en ce sens.

L'entre deux guerre : le zonage, ou comment Floreasca devient résidentielEn 1919, un principe, réglementant la poursuite du développement à Bucarest, a participé à latransformation de Floreasca : le zonage. Ce "zonage" se base sur une analyse menée parl'ingénieur Sfintescu, qui dit, en substance, que les anciens principes sur lesquels fonctionnaient laville de Bucarest avant la guerre ne sont plus assez efficients pour répondre aux besoins d'unepopulation croissante. Le zonage propose alors d'identifier chaque quartier à travers une fonctionclaire, et Floreasca n'y échappera pas. Cette divison n'était qu'administrative, et le zonage donnealors à Floreasca une fonction principale résidentielle.

Focus sur les années 1920 : la ghettoïsationCe qui deviendra les futures berges du Lac Floreasca en 1936, et qui ne sont qu'actuellement unefosse laissée à l'abandon, sont investies par une population tzigane. Des logements improvisésapparaissent le long du lac. Une des ironies de ces logements improvisés est qu'ils étaientconstruits avec des matériaux ayant servis à l'industrie automobile. Cependant, cette industrieautomobile est dans les années 1930-1940 l'activité principale sur le territoire. Floreasca se"gettohise" petit à petit, et est considéré en 1920 comme un des "quartier Rom les plus infâme dela ville" (d'après l'ouvrage "Reading the Architecture of the Unpriveliged classes"). Floreasca étaitdonc dans les années 1920, un quartier relativement marginalisé.

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Focus sur les années 1930 : de gros projets structurantsLe quartier voit alors dans la période d'entre deux guerres, principalement dans les années 30, denombreux projets venir transformer sa structure.

Trois projets sont particulièrement notables : le premier est la création du lotissement de"Cornescu" (entre 1922 et 1935), situé le long de la Calea Floreasca. On y encourageprincipalement la création de maisons collectives de style néo-roumain au détriment des maisonsindividuelles. Le projet de lotissement inclus notamment bon nombre de petites maisonsmitoyennes. Le second, 1923 (et jusque 1927) est la création du lotissement de Drumul la Tei, dans le mêmeesprit que Cornescu.Le troisième projet est celui de la réhabilitation de l'ancien territoire sur lequel se trouvaitl'hippodrome de Floreasca. Construit en 1922-23, il a été abandonné en 1937 au profit d'un autrehippodrome à Baneasa. Ce projet de réaménagement est très important pour le quartier, car ilfournit une structure urbaine très régulière, avec un réseau de rue très bien tracé, qui fournira unebase solide pour les grands changements que connaîtra le quartier en 1950. Si la guerre stoppe ledéveloppement du quartier, certaines maisons ont pu être terminées, et s'éparpillent aujourd'huiautour des blocs communistes, qui apparurent par la suite.

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Transformation du site de l'hippodrome

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C'est également à cette période (en 1936 exactement) que le Lac de Floreasca est créé. Depuis 1912, la ville de Bucarest cherche comment tirer le meilleur parti de la rivière Colentina.Différents projets sont proposés, comme par exemple le drainage de la partie qui est aujourd'hui leLac Herastrau pour créer un parc national. Tous les projets sont cependant stoppés avec lapremière guerre mondiale. Les discussions autour de la rivière ne reprennent qu'en 1926. Entretemps, le débit de la Colentina a augmenté (notamment avec un nouvel approvisionnement enhaut de la rivière Ialomita), et le projet choisi est donc la transformation de la rivière en une chaînede lacs. Des travaux d'assainissement du lac s'achèvent en 1937 mais le développement des abords du lacet du territoire de manière générale a tendance à être freinés par l'existence du ghetto tzigane quiexiste encore sur les berges. Aujourd'hui, le lac de Floreasca offre des potentialités intéressantes. Des projets ont été lancésmais stoppés pour des raisons inconnues. Le lac est donc aujourd'hui sous exploité.

Un autre fait notable dans les années 1930 : la construction de la Hala Ford sur les rives du lac deFloreasca. Elle est la seule et unique usine Ford présente sur le territoire européen. Deux ans aprèssa création, l'usine Ford se met en marche. Elle supporte l'effort de guerre pendant la secondeguerre mondiale, en produisant notamment des véhicules militaires. En 1937, 10 ans après sapremière mise en route, l'usine est officiellement abandonnée par Ford. La Hala est ensuite nationalisée par la SARPIA (Société Roumaine Anonyme pour la production etl'import d'automobiles) durant le régime communiste. La Hala Ford, au-delà de sa seule usine qui vient s'implanter dans le paysage de Floreasca,transforme réellement une partie de la structure urbaine du quartier, en transformant notammentcertaines rues alentours.

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Les années 1950 : années fondamentales dans la création du quartierLe Floreasca que nous connaissons et analysons aujourd'hui a commencé à réellement prendreforme dans les années 1950, sous le régime communiste. Le quartier était un projet de grande ampleur pour le régime. Un vaste programme de logementscollectifs est initié dans les années 1950 par Gheorghe Gheorghiu-Dej (dirigeant communiste de larépublique populaire roumaine de 1947 jusqu'à sa mort en 1965), et des blocs d'inspirationsoviétique apparaissent en masse dans les quartiers de Bucarest. Floreasca n'échappe pas à larègle. Des dizaines et des dizaines de blocs de style "réaliste-socialistes" sont construits : le bâti devientstéréotypé, strictement fonctionnel, et surnommé par la population " les cages".

Nikita Khrouchtchev illustre bien cette philosophie du logement collectif et fonctionnel quand ildéclare en 1954 : "Nous ne sommes pas contre le beau, mais contre les choses inutiles.Transformer des maisons contemporaines n'apporte pas de confort au citadin, mais complique lesutilisations et coûte plus cher".

Le quartier à tendance "ghetto" est transformé et devient un des modèles urbains favoris du parti.Le schéma urbain des années 1930 est prolongé et devient la véritable marque spécifique deFloreasca. Près de 2500 unités résidentielles sont construites, réparties sur 37 hectares. La limite ouest de la ville, jusqu'à présent pas clairement délimitée, s'affirme désormais en tempsque zone tampon entre Floreasca et Dorobanti (un quartier limitrophe) grâce à la création deFloreasca Park (qui est aujourd'hui un complexe de bureaux "ecofriendly").

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A gauche : plan des appartements, à droite : les "cages à oiseaux"

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Dans la même période, le ghetto tzigane a été évacué en Octobre 1960 et complètement rasé en1960. Ainsi débarrassé de son ghetto, le "nouveau Floreasca" est achevé en 1963. Il estrégulièrement choisi par le régime comme un exemple de sa réussite, et cette transformation estlargement relayée dans les média, afin de diffuser et faire la promotion d'un nouveau modèle. Latransformation du "ghetto" de Floreasca est un moyen de mettre en lumière l'accomplissement durégime communiste, qui attribue l'ancien état de Floreasca au capitalisme.

Le prix de "L'Union Romaine des Architectes" est remis au quartier en 1963. Floreasca gagneraégalement le premier prix du "State Comitee for Construction, Architecture and Systematization"en 1965. La standardisation et la volonté de créer un quartier "anti-bidonville" a porté ses fruits.Floreasca affiche alors une image claire et impeccable, qui sied parfaitement aux idéologiescommunistes. Grâce au communisme, le régime a transformé le quartier pour le meilleur, offert des niveaux devie plus acceptables, et unifié harmonieusement le bâti, et les espaces verts.

En effet, dans la redéfinition du quartier, une place particulière, et surtout nouvelle, est laissée auxespaces verts. Une nouvelle relation à ces espaces se créée, et est considérée comme nécessaire,comme l'explique Rica Marcus, auteur de "Parcs et Jardins en Roumanie". Ce dernier affirme eneffet que l'architecture standardisée du régime peut conduire à une monotonie du paysage urbain,et que la nature doit pouvoir trouver sa place dans cet espace très rigide. Les espaces verts sontplus que de simples espaces de détente et de loisirs pour le régime, mais bien des espaces où l'onpeut également trouver des bibliothèques, cinémas ... Des endroits où la culture soviétique peutse répandre et toucher de plus près la population. C'est dans un sens une vision utilitariste del'espace vert.

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Vue aérienne 1959

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Selon l'auteur, seule la ville d'inspiration soviétique peut répondre à cette demande, pas la villecapitaliste. En effet d'après ce dernier : "Cet intérêt de la population pour les espaces verts ne peut pas êtrecomblé par le régime capitaliste, dans lequel le régime de propriété privée et de possession desterres a prouvé ses limites. Un exemple éloquent :le système américain et ses sois-disant "villesvertes"où les maisons sont en réalité collées les unes aux autres avec à peine 4 à 6 mètres entre cesdernières. Ces méthodes ne répondent pas aux vrais besoins de la population".

C'est dans ce contexte et cette nouvelle philosophie que Floreasca est pensé. On distingue deux grandes phases, deux grandes approches dans la conception de la relationville/nature. Dans un premier temps un projet avec des compositions symétriques, des axes forts ou desdispositions centrales, le paysage est une extension de l'architecture, un instrument de la mise-en-scène monumentale de l'idéologie Stalinienne, qui est très similaire avec celle qui a étéinitialement proposée pour Bucarest Noi.Dans un second temps avec une composition partiellement libre rappelant le modèle de la cité-jardin, le but du projet est de donner une distinction claire entre les espaces publics (le parc, lesespaces verts qui lient les rues parallèles aux rues elles-mêmes)- qui ont une composition plusrigide et géométrique, et les espaces communautaires/partagés, entre les blocs, dont les espacesde jeux, qui ont une composition libre mais dynamique.

Le projet est global, et différentes actions sont mises en place pour rompre cette monotonie due àla standardisation. On envisage par exemple de placer un petit groupe d'arbres aux essencesdifférentes à chaque rue perpendiculaire à un axe majeur, et suivant ce même principe, desarbustes et buissons sont placés devant les entrées des blocs. On crée une véritable ambianceverte dans le quartier.

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Cependant, la trame reste floue et malgré les quelques essences plantées, les plans initiaux nesont pas réellement appliqués et on ne peut pas parler encore d'un véritable plan paysager pour lequartier de Floreasca. En effet, malgré la seconde approche dynamique du rapport ville/nature, onse borne simplement à un minime et ennuyeux schéma de plantation sans intérêt esthétique.

Aujourd'hui, et pour pallier ce manque, un phénomène de privatisation des espaces verts setrouvant au pied des blocs s'est mis en place. Ils permettent non seulement aux personnes vivantau rez de chaussé des immeubles de disposer d'une petite parcelle, mais après entretiens nousnous rendons compte que ces parcelles sont volontairement ouvertes aux habitants de tout lebloc, et sont pour la plupart verdies par les habitants. Cette pratique est acceptée par la mairie, qui autorise que ces privatisations aient lieu. Au centre des blocs, les espaces communs sont souvent appropriés et partagés par les habitants,qui les ont également reverdis. Cette opération répétée à chaque groupe de bloc donne au final unquartier verdoyant voire luxuriant : là où le communisme aura échoué à créer une ambiance vertedans les années 1950, les habitants ont relevé le pari.

Depuis 5 ans, l'esprit vert de Floreasca que nous venons de décrire brièvement, et qui fait sonidentité, est remis en cause par de nombreux projets.

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Schéma de plantation

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3. Un quartier qui se bat pour préserver son identité

3.1. UNE IDENTITÉ MARQUÉE

Dans le milieu des années 1990, la structure sociale du quartier a commencé à changer. Unepopulation plus jeune est venue s'installer.

Contrairement au reste de Bucarest, Floreasca est habité par une communauté très unie. Si AndreiFeraru, architecte Bucarestoi vivant à Paris, définit le Roumain comme «ayant un « rapport autisteaux autres », marqué par le « chacun pour soi », et qui « affirme trop son identité aux détrimentdes autres » les habitants de Floreasca définissent eux-même leur communauté comme très liée. Après entretien avec des habitants, on se rend compte que beaucoup se connaissent les uns lesautres. Les « petites vieilles » comme elles sont affectueusement appelées, veillent au grain : onnous confie en riant qu'il serait impossible à un étranger de voler un vélo sans qu'elles ne s'enrendent compte !

Cette communauté s'est liée autour de deux grands éléments. Tout d'abord, une identité marquée, et spécifique au quartier de Floreasca. Cette identité estfortement ancrée autour de l'image « verte » du quartier. Floreasca représente aux yeux des Bucarestois un des quartiers les plus verdoyants de la ville(notamment avec le quartier d'Herastrau). La notion d'espace vert a donc une place plus queprépondérante, comme celle d'espaces naturels : n'oublions pas que le quartier est traversé par larivière Colentina au nord !

Cette identité est le plus grand atout du quartier : à Bucarest, la principale raison pour laquelle desgens investissent et emménagent dans cette partie de la ville, est justement parce que c'est unezone verte et par extension, calme. C'est cette identité qui a largement contribué au changementde structure sociale que nous avons relevé dans les années 1990.

En effet, Floreasca, est en réalité aujourd'hui un des quartiers résidentiels les plus attrayants deBucarest. Des étudiants de l'UAUIM ( Université d'architecture et d'urbanisme Ion Mincu) ontmené une étude sur le sujet, et ont qualifié le quartier avec les adjectifs suivants : vivant, agréable,confortable, même luxueux. Cette étude avance que Floreasca peut être défini ainsi, non pas grâce à son offre de logements,mais parce que « l'espace constituant le voisinage immédiat du logement joue un rôle au moinsaussi important que le logement lui-même ».

L'étude se base sur le concept selon lequel, ce qui fait tout l'attrait d'un quartier se mesure aussipar l'environnement dans lequel baigne ledit quartier. De ce fait, dû à sa proximité avec le quartierde Primaverii (un quartier luxueux de Bucarest) et avec la chaîne de lacs issue de la Colentina,Floreasca bénéficie par ricochet d'une image positive grâce à son environnement. On appelle cephénomène, le phénomène de rayonnement.

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Floreasca bénéficie donc d'une image doublement positive : par le phénomène de rayonnement etson environnement proche, et par son image de quartier vert.

Attardons-nous plus sur cette image de quartier vert. Ce n'est d'ailleurs pas qu'une image. Deux parcs et un lac sont présents dans le quartier, et contribuent à verdir le territoire. MaisFloreasca est surtout caractérisé par l'existence de nombreux espaces semi-publics situés au seindes blocs, formant ainsi des îlots avec des parcelles en leur centre mais aussi un réseau de petitesvoies entre les blocs, qui les relient entre eux, et souvent assez verts.

Mais aujourd'hui, cette identité verte est menacée. Prenons l'exemple du parc Verdi. Ce parc était,dans les années 1930, une propriété privée. Au milieu des années 1990 et début 2000, une partiede ce parc a été récupérée par la mairie du quartier et a été donnée à divers investisseurs privésqui ont déjà construit quelque chose sur les deux-tiers du terrain qui était public. Ils ont construitdes bâtiments plus ou moins illégaux. Ce que l'on pouvait voir une fois sur place n'était en réalité que le tiers restant. Il a été laissé àl'abandon afin de donner un prétexte valable à la mairie pour couper tous les arbres, vider ce qu'ilen reste et construire des bâtiments sur la partie restante.

A ce jour, le quartier se fragmente. Cela se reflète notamment avec la disparition des espacesverts, la privatisation des parcelles semi-collectives et la montée de projets avec lesquels leshabitants

Jusqu'où est prête à aller cette communauté soudée afin de préserver ce qu'elle est et surtout cequ'elle a ?

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Parc Verdi Localisation parc Verdi

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3.2 Une bataille pour préserver une identité mise à mal

Le standing s’élève, les projets sont nombreux, et source de nouveaux afflux de population.Cependant, ces derniers prennent surtout vie sur d'anciens espaces verts. Espaces verts quidisparaissent donc au rythme du développement du quartier, qui s'est accéléré depuis les cinqdernières années.

C'est pour ces raisons qu'un groupe d'initiative d'habitants s'est mis en place dans le quartier deFloreasca.. On considère comme étant un groupe d'initiative un groupe de personnes créant uneentité afin de mobiliser des acteurs suivant un certain leitmotiv.Le groupe d'initiative est un concept rare en Roumanie, qui tend très doucement à se généraliser.Ainsi, Andrei Feraru (architecte roumain) dit en effet que « si l'heure de la concertation citoyennen'a pas encore sonné, elle parait néanmoins s'approcher »Le Grupul Floreasca, créé en 2014, fait donc office de précurseur. Ce groupe est informel, il est principalement composé de huit personnes (architecte, urbaniste,avocat, informaticien, ingénieur, psychologue, sociologue, et politologue) qui sont doublées elles-mêmes d'autres huit personnes. Il n'y a pas de hiérarchie mais une répartition du travail suivant lemétier exercé. Ce groupe utilise différents actions : la documentation mais aussi la pétition, ledébat public, les médias et surtout les manifestations.

Le Grupul s'est formé autour de revendications multiples et qui ont surtout trait à l'identité duquartier, dont le développement urbain effréné ces cinq dernières années ne plaît pas auxhabitants.Ce développement urbain qualifié de chaotique par les habitants a plusieurs conséquencesnéfastes sur le quartier. D'abord, une disparition d'espaces verts au profit de projets immobiliers. Bucarest ne compte que 14 m2 d’espaces verts par habitant, une moyenne bien en dessousd'autres grandes villes, ce qui explique aussi un tel attachement aux espaces verts. Mais également, comme en témoigne si dessous un habitant dans un communiqué : « Le quartier Floreasca a connu un développement explosif, générant de gros problèmes decirculation et plus largement de qualité de vie à cause de la pollution, de l'absence d'espacesverts et du manque d'infrastructures. Le trafic actuel s'élève à plusieurs milliers de voitures parjour. Ce chiffre va augmenter avec ces nouvelles constructions »La question du trafic, déjà problématique au niveau du stationnement dans la ville, est un véritableenjeux pour les habitants. C'est pour élever leur voix contre ces changements que le Grupul a organisé le 2 Avril dernier unemanifestation au sein du quartier. Le Grupul du Lac Tei était également présent, ces derniers ayantdes intérêts communs.

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Les revendications du Grupul sont multiples : dénoncer le non-respect des lois voire l'illégalité surlaquelle se sont construits certains bâtiments, l'absence de véritables consultations publiques liéesaux constructions prévues ou en cours, ou encore les conséquences néfastes du développementurbain incontrôlé auxquelles les habitants doivent d'ores et déjà faire face (pollution, trafic..)

Cette marche a symboliquement pris le parti de faire suivre aux manifestants un itinéraire bienprécis : après avoir commencé au parc Verdi, la marche parcourait des rues de Floreasca oùcertains projets étaient mis en place, pour finir symboliquement à la Hala Ford.

En effet, deux principales revendications ont émergées ce samedi 2 avril : la rétrocession du parcVerdi à un investisseur, et le projet de construction sur la Hala Ford étaient les deux anglesd'attaque de la manifestation. Le parc Verdi a déjà été amputé, comme dit précédemment, des deux tiers de sa taille originelle.Aujourd'hui, l’investisseur a qui le parc a été rétrocédé compte implanter sur le terrain desimmeubles d'affaires. Au delà de la disparition d'un espace vert, ces immeubles d'affaires vont êtreglobalement plus hauts que la moyenne du bâti de Floreasca, et constituer une véritable rupturedans le paysage. Le trafic, qui s'élève déjà à 1500 voitures par jour en moyenne risque d'exploser.

D'autant plus que le projet de la Hala Ford sera également source d'augmentation significative dutrafic. Cette usine a été la première qu'Henry Ford a bâti dans les années 1930. Elle était la seule usineFord dans toute l'Europe à cette époque, mais aussi le plus grand bâtiment de Bucarest. Il a étépréconisé par le ministère de la Culture de garder ce bâtiment en tant qu'héritage : le bâtiment esten effet classé monument historique de classe A. Par conséquent, selon la loi de l'héritage enRoumanie, il est interdit de construire à moins de 100 mètres de ce bâtiment. Cependant, le projet pour cette zone est de construire quatre gratte-ciel : trois de quinze étages etun de vingt-cinq étages. Bien sûr, si le projet arrive à terme, il se tiendra à moins des 100 mètresprécisés dans la loi, ce qui serait un désastre d'un point de vue écologique, environnemental, etaussi au niveau du trafic et du paysage.

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Le projet de la Hala Ford est donc un projet qui ne s'inscrit pas du tout dans l'identité de Floreasca,et qui contribuera à faire muter le quartier … pour le pire, selon ses habitants.

Les habitants et le Grupul ont pourtant des projets concrets pour la Hala. Ils souhaiteraient pouvoirla réhabiliter en centre culturel. Ce projet permettrait, selon eux, de développer l'offre culturelle,quasi nulle dans le quartier, mais aussi et surtout de préserver l'identité de la Hala Ford, et parextension, l'identité de tout un quartier.

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Friche Hala Ford

Projet de la Hala Ford

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4. Les communs urbains : une part importante de l'identitédu quartier

La notion de "communs urbains" est une notion assez récente, qui n'est pas définie demanière encore très claire, et qui peut englober de nombreux aspects, idées, points de vues.

La notion telle que nous l'entendons ici et qui servira de base à notre analyse prend en comptedifférentes sous notions dont, par exemple, les biens communs, l'appropriation, les collectifs ouencore la gouvernance.

De la naissance des communs urbains

Peu d'informations existent quant à la naissance de ce concept. Mais après plusieurs recherches,nous pensons que si la notion de commun urbain devient de plus en plus populaire, c'est parcequ'à l'heure actuelle, les populations ne se sentent pas en possession de la ville, et revendiquent ledroit à la ville, à la pratique de l'espace.

Claire Laborey, dans son documentaire "Mainmise sur les villes" diffusé en 2015, dit ainsi :

"Ces dernières années en Europe, du nord au sud, de l'Allemagne à la Grèce en passant par lal'Italie, l'Espagne ou la Turquie, des milliers d'habitants descendent la rue pour défendre leursdroits, faire entendre leur voix. Ils occupent les places, arpentent les avenues, afin de contester lespouvoirs et remettre en cause la représentation politique. De plus en plus aussi, ils se mobilisent pour défendre leur droit à l'espace urbain, espace decontestation, espace de vie. Ils revendiquent plus de démocratie et dénoncent une manière deconcevoir la ville dont ils se sentent exclus."

Privatisation, emprises des gros investisseurs et désintérêt des pouvoirs publics (qui n'ont parfoisjuste plus de moyens pour investir) pour l'espace urbain, sont autant de facteurs qui placentl'habitant comme consommateur d'une ville conçue sans lui.

Nous pensons que ce sentiment peut en partie expliquer l’intérêt croissant pour la notion decommuns urbains.

Qu'est-ce qu'un commun urbain ?

Les communs urbains trouvent leur base dans les biens communs. Les biens communs sont des biens qui n'appartiennent à personne et qui sont libre d'utilisation,sans payer. Mais un bien commun n'est, comme son nom l'indique, qu'un simple bien.

Les concepts de biens communs et de communs urbains flirtent bien entendu ensemble mais ne serejoignent jamais, et une des incompréhensions les plus communes à ce sujet est de considérer lescommuns urbains comme des biens/ressources communes, comme les océans par exemple.

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"Il n'est pas de ressources commune sans stratégies pour s'en occuper, les communs urbainsrequièrent un lot de règles pour exister" nous dit Elinor Ostrom, économiste et politologueaméricaine dont les travaux portent principalement sur l'action collective, et première femme àrecevoir le prix Nobel d'économie.

C'est l'action d'appropriation du bien commun par un collectif, une communauté, dans le but d'enfaire un espace partagé/collectif/ouvert à un ou des publics qui crée du commun urbain. Lescommuns urbains se concrétisent par la mise en place par un groupement d'individus d'unsystème d'organisation qui permet l'appropriation ou la mise en place de nouveaux usages.L'objectif est de réussir à créer des espaces auto-construits, voire parfois autogérés. Les communsurbains sont des lieux d'expérimentation et de pratique de la ville.

Cette notion d'expérimentation est reprise dans la terminologie du concept "LaboratoiresCitoyens" qui est mis en place à Madrid et qui croise les notions de communs urbains telles quenous les entendons. Il s'agit là-bas de mettre en place des lieux d'innovations citoyennes dans desespaces de la ville laissés vacants.

Henri Lefebre, dans son ouvrage "Le droit à la ville" nous livre quant à lui une première descriptiondes communs urbains : "La société dans laquelle nous visons semble tendue vers la plénitude, ou du moins vers le plein(objets et bien durables, quantité, satisfaction, rationalité) [...] Entre les sous-systèmes, et lesstructures consolidées par divers moyens, il y a des trous, parfois des abîmes. Ces vides neviennent pas du hasard, ce sont eux aussi des lieux du possible."

Le défi majeur des communs urbains est de réussir à pérenniser ces espaces, et nous parlionsd'auto gestion des communs urbains. C'est dans cette visée que certaines chartes des communsurbains sont parfois mises en place, souvent à la suite de dérives. Ces chartes sont des règlesd'auto-gouvernance mises en place par les groupements d'individus pour assurer la pérennité deleurs espaces. Dans cette objectif, elles peuvent éventuellement contenir certains outils juridiques.Elles sont aussi un catalogue des valeurs et idéologies de la communauté qui donnent vie aucommun.

Qui sont les acteurs qui font vivre et permettent à la notion de commun urbain d'exister ?

Toujours d'après Henri Lefevbre : "C'est vers un nouvel humanisme que nous devons tendre et nous efforcer, c'est à dire vers unenouvelle praxis (vie sociale) et un homme autre, celui de la société urbaine" "Ni l'architecte, ni l'urbaniste, ni le sociologue, ni l'économiste, ni le philosophe ou le politique nepeuvent tirer du néant par décret des formes et des rapports nouveaux. [...] Ni l'un ni l'autre necréent des rapports sociaux. Dans certaines conditions favorables, ils aident des tendances à seformuler (à prendre forme). Seule la vie sociale (la praxis) dans sa capacité globale possède detels pouvoirs."

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En somme, ce ne sont en rien les pouvoirs publics, ou une classe de personnes particulière qui doitprendre les rênes des communs urbains pour leur permettre d'exister. En théorie, n'importe quelleassociation ou communauté de personnes peut donner naissance à des communs urbains.

Des exemples concrets de communs urbains?

Il n'y pas de liste d'exemples de communs urbains qu'il serait pertinent de développer ici. Il existeautant de communs urbains que de lieux, de communautés, de regroupements, de philosophies,d'idées, d'expérimentation. Ce concept n'est pas figé, et il est encore "jeune". C'est à la sociétéurbaine dont parlait Henri Levebre de lui donner autant de formes qu'elle en est capable, et dontelle a besoin.

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> Floreasca, quand le semi-public devient commun urbain

Le quartier de Floreasca est comme nous l'avons dit, caractérisé par son ambiance verte. Cetteambiance est due principalement à de nombreux espaces que l'on trouve entre les îlots de blocs.Situés au pied des blocs, ou en cœur d'îlots, ces derniers peuvent presque s'apparenter à despetites courées, en plus vertes. Chaque îlot de blocs et leurs espaces centraux sont reliés les uns aux autre par des petits réseauxde voies piétonnes.

L'histoire de ces espaces est compliquée et reste floue, même pour les membres du Grupul ou leshabitants à qui nous avons parlé. Cette histoire est liée au régime de propriété. Comme nousl'avons vu, le quartier de Floreasca a été construit dans deux grandes périodes en particulier : lesannées 1930 et les années 1950. Après la seconde guerre mondiale, ces espaces passent commetout le reste sous le régime de nationalisation lancé par le régime. Quand le régime de propriétéest revenu sur le devant de la scène, en théorie l'entretien de ces petits espaces revenait à lamairie de secteur. La réalité est qu'aujourd'hui, ces espaces sont soit privatisés, soit semi publics.

On le voit dans la gestion de ces espaces : ils ne sont pas entièrement pris en charge par un seulorganisme, ou par les habitants.

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En réalité : 1 – L'éclairage est géré par la mairie de Bucarest, par une compagnie privée.2 – Les locaux poubelles sont financés par chaque mairie de secteurs, également via descompagnies privées (chaque mairie a ses propres partenaires, pour le secteur 2 il s'agit deSupercom SA) 3- Les fonds pour l'entretien des petites voies ou du pavement, bordures etc. proviennent d'impôtsprélevés dans ce but. 4- Aucun fonds n'est cependant dédié à un entretien paysager particulier, à créer des jardinspartagés, des potagers, ni aucun ornement floral ou aucune politique de boisement particulière.

Avec un tel flou entourant le régime de propriété régissant ces espaces, certains débats, voirescandales leur sont liés. Une équipe de journalistes, rassemblé derrière le RISE PROJECT met ainsien lumière l'illégalité de certains investisseurs ayant profité pour construire sur ces espaces.

D'après le Grupul Floreasca : "Ces espaces sont semi privés, semi publics. Ils dépendent donc de quiy vit, et de ce qu'ils en font"

On comprend alors avec cette simple affirmation, que ces espaces sont des "communs urbains enpuissance", qu'une opportunité de créer une dynamique de communs urbains sur ce territoire esttout à fait possible et ne dépend que des habitants.

> Comment les habitants ont-ils profité de cette opportunité ?

Si la mairie de Bucarest, ou la mairie de secteur interviennent quelque peu dans la gestion de cesespaces, elles n'ont aucun projet particulier les concernant. De plus, il est non officiellement accepté par la mairie que certains de ces espaces soient privatiséspar les habitants, preuve que la mairie ne met pas en place de stratégie particulière pourtransformer ces espaces.

Ces espaces sont donc pour la plupart gérés de deux manières par les habitants : soit par laprivatisation, ou par le partage.

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La privatisation :

La privatisation peut être abordée selon différentes gradations :

La privatisation totale et "sauvage"Sont souvent concernés les espaces situés au pieds des immeubles. Certaines privatisationsqualifiées de "sauvages" sont parfois mises en place par les habitants du rez de chaussée, quiposent barrières ou bâches pour empêcher tout accès à "leur" morceau de terrain. Ce genred'initiatives n'est pas interdite, mais vue d'un mauvais œil par les habitants qui sont de manièregénérale plus portés sur le partage des espaces.

La privatisation partielleToujours concernant les espaces situés au rez de chaussée, nous choisissons de parler deprivatisation partielle, en ce sens qu'ils ne sont pas ouverts à tous les habitants de l'îlot, maisuniquement aux habitants du bloc auquel l'espace appartient. Les habitants accèdent à ces petits espaces via une porte située dans l'entrée commune dubâtiment.

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Espace mis sous bâche noire : exemple de privatisation sauvage

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Du mobilier, comme des tables ou des chaises y sont souvent installés, signe de partage et d'unevolonté d'instaurer une convivialité. La plupart du temps, certains habitants précis s’attellent aujardinage, souvent par goût, et veillent à entretenir un espace soigné. Certains habitants des étages supérieurs peuvent aussi être susceptibles de privatiser les espacesau pied des immeubles, ce sont souvent des pratiques plus acceptées dans la mesure où ceshabitants sont les plus investis dans l'entretien et la gestion des espaces collectifs.

La privatisation partielle au sein des parcelles collectives Un autre type de privatisation partielle peut être observé. En effet, pour les personnes vivant auxétages supérieurs et désirant plus d'espace que la petite parcelle collective que l'immeuble peutproposer, privatisent certains espaces dans les parcelles collectives pour y faire leur propresplantations ou potagers. Les personnes se permettant ce genre d'initiatives sont par ailleurs trèssouvent les personnes investies de manière globale et générale dans l'entretien de ces parcelles.

Au delà de la privatisation de ces espaces, les habitants peuvent choisir de les gérercollectivement.

La gestion collective et l'utilisation collective

> La gestion collective des parcelles est le mode de gestion le plus répandu, bien plus que laprivatisation. A l'initiative des habitants et sans réelle organisation hiérarchique, les plus motivés etinvestis se chargent d'entretenir les espaces. Ils mettent en place des initiatives selon leur inspirations : potagers, ornements floraux, mais ilsmettent surtout en place des lieux communs, des lieux de rassemblements, et génèrent ainsi uneutilisation collective de ces lieux, qui est donc ouverte à un public plus large : pas seulement celuiintéressé par le jardinage.

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Illustration 1: privatisation partielle

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> Une gestion verte : Un intérêt particulier est toutefois accordé aux verdissement de ses espaces,dans la continuité de l'identité verte du quartier. Ce verdissement passe par un entretien attentifdes espaces collectifs, mais se poursuit jusque dans les allées qui relient les blocs les uns avec lesautres : des haies ou bosquets sont plantés et entretenus. On crée ainsi un véritable petit réseauvert qui contribue grandement à l'identité verte du quartier.

> L'utilisation commune des espaces passe tout d'abord par un certain agencement. Un desprincipaux traits caractéristiques de cet agencement est la présence des "batarorul de covoaere",les "grillage pour tapis". Ces grillages, ou supports métalliques, permettent historiquementd'étendre les tapis pour les frapper. Véritables institutions, ils permettent aussi dans notre cas defaire office de barrières et forger des délimitations, mais à notre surprise, ils sont aussiusuellement utilisés par les enfants qui grimpent dessus. Le Grupul Floreasca les décrit comme des"lieux de rencontre où les habitants s'échangent quelque mots, un point de rendez vous entrevoisins, un lieu où l'on s'échange des ingrédients de cuisine, un endroit où bavarder, en un mot unconcept subtil dans l'espace urbain"Du mobilier urbain est aussi mis en place, comme des bancs, des chaises, des tables, mais aussides fils pour étendre le linge.

En prenant en main un espace dont le régime de propriété est très vague, et pour lequel lesmairies n'ont pas de projets particuliers, pour les transformer en espaces collectifs, les habitantsde Floreasca ont mis en place une dynamique de comité urbain. Ces espaces ne sont pas desimples espaces de cohabitations, mais ont été pensés pour favoriser l'interaction et la rencontre.

Cette conclusion est appuyée par l'étude menée par les étudiant de l'UAUIM, que nous avons citéprécédemment, et qui dit, en substance que ce n'est pas la taille des espaces ouverts, ou mêmeuniquement leur verdure qui fait tout l'intérêt de Floreasca : c'est également leur structure,organisée de manière équilibrée entre espaces privés et communs, qui contribue à créer unevéritable ambiance de voisinage, et de par cet attrait, crée une structure sociale complexe etintéressante.

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Illustration 2: "batadorul"

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> Quel avenir pour les communs urbains de Floreasca ?

La question de la transmission est une question qui se pose. Après échange avec une habitanted'un bloc, cette dernière a pu nous faire part de ses inquiétudes : elle fait partie des personnesinvesties dans ces espaces communs et semi privés au pied des immeubles, et craint qu'après elle,plus personne ne prenne le temps de s'y investir. Ces espaces et leur gestion résultant plus d'unaccord tacite autour d'envies communes entre les habitants que d'un vrai projet communclairement défini (pas de charte des communs urbains par exemple), la question de la relève n'estpas abordée et pose question quant au futur de ces espaces. Floreasca étant un quartier à laconscience collective développée, des mesures seront-elles prises par les habitants pourpérenniser ces territoires?

Des potentialités pour l'avenirBien que l'avenir des communs urbains à Floreasca soit en partie incertain, des potentialités seprésentent. La Hala Ford est un bon exemple : abandonnée depuis des années par l'entreprise Ford, si leshabitants du quartier réussissent à faire reculer le projet, la Hala pourrait devenir un laboratoired'initiatives citoyennes intéressant, et c'est bel et bien ce que souhaitent certains habitants à quinous avons parlé, qui voudraient rendre ce lieu aux habitants, vers une visée culturelle.

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Conclusion

Floreasca est donc un quartier autant façonné par le régime communiste que par sachute et l'arrivée du libéralisme. C'est un quartier qui possède une identité marquée,ancrée autour d'une population unie et qui élève sa voix, d'un cadre de vie verdoyant etattractif, et d'un rapport certain avec la notion de communs urbains.

C'est un quartier qui subit actuellement de grandes mutations : les constructionss'élèvent et constituent une véritable rupture avec l'ambiance architecturale du quartier, letrafic s'intensifie et joue un rôle néfaste sur le cadre de vie, les afflux de populationentraînent des problèmes de stationnement et un manque d'infrastructures. Au delà de ceque les nouveaux projets amènent comme problèmes, il est important de penser aussi à cequ'il font disparaître : les espaces verts, et dans le cas de la Hala Ford, compromettent desbâtiments historiques qui font partie intégrante du quartier. Les espaces verts sont quant àeux un enjeux de taille pour les habitants, et sont la raison principale de l'attractivité duquartier. Leur disparition contribue à amputer Floreasca d'une partie de son identité.

Face à ces changements, et grâce notamment à un groupe d'initiative, les habitantsse mobilisent pour entraver la direction que le quartier prend petit à petit. Attachés à leurhistoire, leur cadre de vie, et leur espaces verts, ils organisent de nombreusesmanifestations et marches en signe de protestation. Le fait est que ces démarches sont particulièrement intéressantes si on les recontextualise :nous sommes en effet en Roumanie, où le concept de concertation citoyenne ou de grouped'initiative, même s'il se développe petit à petit, reste marginalisé.

Une autre notion est plutôt marginalisée dans le pays : celle des communs urbains.Ce nouveau concept trouve ses origine dans le partage de l'espace commun, et la volontéd'en faire quelque chose de concret et de collaboratif. Floreasca entretient une relationcertaine avec cette idée. Intimement reliée à l'identité du quartier, au-delà de contribuer àlui donner une ambiance conviviale, les communs urbains contribuent également à rendrele quartier particulièrement attractif. A noter que le concept reste peut-être cependant à penser plus en profondeur, notammentsur les questions de transmission de ces espaces.

Si Floreasca tend à se rassembler de plus en plus autour d'une volonté de préserverson identité, peut-être que Floreasca saura par la suite donner une véritable pérennité àces communs urbains, qui sont après tout une part importante de ce territoire.

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Bibliographie

Ouvrages

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Sites Internet

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• LAURENT COUDERC, 31/03/2016. Le Petit Journal, MANIFESTATION: les habitants du quartier Floreasca en ont ras la casquette [en ligne]. Disponible sur http://www.lepetitjournal.com/bucarest/societe/242448-manifestation-les-habitants-du-quartier-floreasca-en-ont-ras-la-casquette (consulté le 20/04/2016)

• OANA MIHALACHE, 12/05/2015. Observatorul Urban Bucuresti, Distrugerea spațiilor verzi din București – Parcul Verdi [en ligne]. Disponible sur http://www.observatorulurban.ro/distrugerea-spaiilor-verzi-din-bucureti-parcul-verdi.html (consulté le 25/04/2016)*

Autres documents

• IOANA TUDORA, LE:NOTRE Landscape Forum Bucharest 2015

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Summary

The neighborhood of Floreasca is located in the north of Bucharest. It can be considered as the « green lung » of the city. Indeed, Floreasca is crossed by the Colentina River, and two major lakes :Floreasca lake and Herastrau lake.

Those lakes are in the middle of some parks. The two parks are very different : Herastrau has been more protected, and maintained whereas Floreasca park has been more left over.

Beyond those parks, Floreasca is characterized by little green areas that can be considered as « shared gardens » between the blocks you can mainly find in the neighborhood. Those shared gardens are a good example of the spirit that qualifies Floreasca. It is indeed interesting to notice that if in Bucharest, people are very individualistic, Floreasca can be shown as an exception. In this district, there's a strong sense of unity within the community. This « unity » can be explained by the fact that a lot of new projects are supposed to take place around the district. But those new constructions mean the destruction of a lot of open spaces. People are united to save this « green spirit », that is in fact the identy of their neighborhood.

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